Ce soir, la culture du viol, c’est…

Photo: Juliette Clémentine Aubin

Ce texte a initialement été publié sur le profil Facebook de Loriane Guay, une résidante de Rosemont. Nous avons pensé qu’il méritait d’être partagé publiquement (avec l’approbation de la personne).

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«On parle un peu plus du concept de culture du viol ces jours-ci. Ça adonne que je vais en parler ici aussi, n’en déplaise à certains. Mon anecdote est (malheureusement) banale as fuck et (heureusement) somme toute sans conséquence – sauf ma cage thoracique qui shake encore de rage, parce que pour moi, à soir, les effets de cette culture du viol, qu’on semble s’obstiner à présenter comme une lubie de féministes [insert adjectif péjoratif here], ont pris une multitude de visages à fesser dedans.

Ce soir, la culture du viol, c’est moi qui propose une marche à Coloc en revenant de la job (y fait chaud dans l’appart; c’est enfin vivable dehors), mais qui lui demande de porter des souliers plats. Ça me lève le cœur de dire à un autre être humain quoi faire avec son corps, mais the thing is on vient pas du même quartier, et, pour moi, une des règles de sécurité les plus importantes, c’est: attire l’attention le moins possible quand tu sors après la tombée de la nuit. Et c’est une attitude que j’ai appris à observer, même si ça me fâche. En plus, la dernière fois qu’on est sorties et qu’elle portait des talons hauts, on s’est faites aborder par un homme insistant et désagréable en crisse. J’aime mieux qu’on s’évite de dealer avec ça, ça me fait peur. Fak, pas de talons s’il te plaît.

Mais aussi, ce soir, la culture du viol, c’est moi qui, au cas où, cherche la bonbonne de poivre de cayenne que Mère m’avait achetée et la dépose dans mon sac. Il est dix heures du soir, on sait jamais.

Ce soir, la culture du viol, c’est Coloc et moi qui choisissons d’emprunter les rues les plus fréquentées pour aller au dépanneur.

Ce soir, la culture du viol, c’est cet homme qui se met à marcher derrière nous, à nous suivre quand on presse le pas, pis à faire des calls du genre «attention les filles, y’a des tueurs en série dans ce coin-ci». (Hilarant, hein?)

Ce soir, la culture du viol, c’est ce même homme qui, après s’être éloigné, revient en vélo, recommence à nous suivre, puis se met en crisse et nous insulte quand on lui demande clairement de nous laisser tranquille.

Ce soir, la culture du viol, c’est ma main sur le poivre de cayenne, celle de Coloc sur son téléphone, pis mes yeux qui passent du milieu de la rue à la voiture qui repart au stop, en tentant de calculer la distance qui me sépare de l’endroit le plus susceptible de m’apporter de l’aide, si j’en ai besoin.

Ce soir, la culture du viol, c’est une mixture de crainte et d’osti de sentiment d’impuissance.

Ce soir, la culture du viol c’est, une fois toutes seules, regretter de porter des shorts quand il fait 30 degrés dehors. C’est se sentir idiotes d’être sorties le soir.

Ce soir, la culture du viol, c’est ce dude qui est sûrement en train de se coucher en ce moment, pis que le fait qu’il ait fait de quoi de pas nice à soir lui traversera probablement jamais l’esprit.

Ce soir, la culture du viol, c’est moi, avant d’appuyer sur post en dessous de ce statut, qui me demande si je chiale pas un peu pour rien parce que c’était pas si pire que ça, pis si on l’a pas un peu cherché, au fond.»

Photo de Juliette Clémentine Aubin.

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