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La besace

Photo: Illustration : Pierre Brassard | www.pierrrebrassard.com

Chaque mardi, la journaliste et animatrice Julie Laferrière et l’humoriste, animateur et illustrateur Pierre Brassard posent un regard original sur les usagers du transport en commun.

Ligne d’autobus 535, direction sud. C’est vendredi et il est 9 h 45.

Le chauffeur ouvre la porte aux usagers qui attendent qu’on les cueille sous un ciel incertain, à l’angle des avenues du Parc et Mont-Royal.

La dernière à gravir les marches est une femme dans la trentaine. Coquettement vêtue, elle est «équipée» d’un énorme sac à main en daim rose fuchsia.

La carte de l’usagère, probablement vide, est rejetée par le dispositif qui émet un buzz hostile. Le feu vient de passer au vert, mais le chauffeur zélé ne décolle pas, attendant que la jeune femme paye son dû.

Ici commence l’expédition intra-sacoche, pendant laquelle la passagère devra trouver les 3 $ exigés pour se rendre à bon port. Elle y plonge un bras qui disparaît jusqu’à l’épaule, avalé par la besace surdimensionnée. Celle-ci pourrait facilement accueillir les dépouilles d’un faisan, de deux perdrix et d’un lapin de garenne au terme d’une chasse à courre. La jeune dame tâte les divers objets qui se trouvent sur son chemin, entre son portefeuille et sa main.

Le feu est maintenant rouge. Mal à l’aise, la femme poursuit nerveusement ses recherches. Je regarde alors mon sac, qui n’est guerre plus petit que le sien. Puis, après un furtif tour d’horizon, je remarque que la majorité des femmes qui nous entourent ne voyagent pas plus léger. Qu’est-ce qu’on a donc, nous, les filles, à s’imposer quotidiennement une telle charge? C’est quand même fou toutes ces choses qu’on traîne avec nous.

Juste «au cas où», alors qu’on s’apprête simplement à traverser une journée, pas le désert de Gobi! Nous ne sommes pas non plus des Mary Poppins, dont le cabas pouvait contenir des luminaires, un service à thé et un grand parapluie grâce auquel, rappelons-le, malgré son fardeau, elle pouvait voler, la Mary.

Le feu redevient vert. La dame extirpe alors, dans un geste triomphal, un microscopique porte-monnaie. Ayant acquis son droit de passage, elle s’assoit enfin, épuisée par ses intenses fouilles.

Plus tard dans la journée, mon lourd sac et moi croisons dans la ville une affiche qui annonce la venue d’une star de Broadway. On peut lire : «Pour une première fois à Montréal : Mary Poppins. La vedette du spectacle figure sur l’affiche, pendue à son parapluie dans un ciel bleu azur. J’observe attentivement son cabas. Pffff! Il n’est même pas si gros que ça!

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