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Miroir, miroir

Chaque mardi, la journaliste et animatrice Julie Laferrière et l’humoriste, animateur et illustrateur Pierre Brassard posent un regard original sur les usagers du transport en commun.

Ligne 435 direction sud. Nous sommes mardi, il est 14 h 40.

Il est grand temps que les journées allongent. Que les grands froids s’envolent vers d’autres Sibérie. Vivement que fonde toute cette glace! Parce que la mauvaise humeur, en ce mardi de – 30°C, est plus que généralisée. Elle est unanime. C’est donc dans cet état de susceptibilité exacerbée que la scène qui suit s’est produite.

Le bus arrive, s’arrête à la hauteur de l’arrêt. Un abribus, un monceau de neige et une plaque de glace se posent en obstacles entre nous, futurs passagers, et la porte du véhicule.

Le premier de la file, un jeune homme, tente sa chance et parvient à monter dans l’autobus sans grâce aucune, mais avec succès. Idem pour le second et pour moi.

Monte le quatrième et dernier usager. Ce dernier évite de justesse une chute spectaculaire. Dans un battement de bras nécessaire pour garder l’équilibre, il accroche légèrement le rétroviseur extérieur du bus. Alors qu’il règle son passage, le conducteur réalise que son miroir a changé d’angle.

Chauffeur (avec impatience et mépris): «Hey! C’est ben intelligent ça! Je fais comment, moi, pour voir qui s’en vient avec mon miroir tout croche de même!?!?!?»

Passager (avec contrariété et ironie): «On se calme! C’est pas ma faute! J’essayais de ne pas me casser une jambe!»

Chauffeur (avec colère et condescendance): «Hey le smatte! Si j’vais chez vous, moi, pis j’accroche le miroir dans ton entrée, j’vais le replacer… pis m’excuser! On s’entend-tu pour dire que la fée de la politesse est pas passée au-dessus de ton berceau? J’vous jure que ça sait pas vivre!»

Passager (avec politesse extrême, ironie et pâmoison exagérée): «Ah! Parce qu’on est chez vous, ici. Pardon, j’avais pas remarqué. C’est très beau! C’est vous qui avez fait la décoration? Où est-ce que je peux mettre mon manteau? Puis-je utiliser votre salle de bain s’il vous plaît? Vous permettez que je garde mes bottes?»

Nous sommes plusieurs à sourire devant la vivacité et l’humour de ce passager. Le chauffeur fait signe au comique de dégager et attend qu’il se soit éloigné pour libérer un rictus que retenait son orgueil.

Je le sais. Je l’ai bien vu. Je l’observais, dans son miroir.

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