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Délire à la française

Photo: The Associated Press

Elle a serpenté, couru sur les réseaux sociaux. Frappé les esprits. La «théorie du genre» allait être enseignée dans les écoles de la République. Une certaine France était en émoi.

Avec une telle «théorie», les petits Français apprendraient à rejeter leur identité sexuelle, à se masturber et même à devenir homosexuels. La rumeur était folle. Le plus vieux média du monde a même mobilisé des dizaines de milliers de personnes lors de la «Manif pour tous» du 2 février à Paris.

Affolés, des centaines de parents ont retiré leurs enfants de l’école pour protester contre «l’enseignement obligatoire de la théorie du genre dès le primaire».

Qu’en est-il? Rien de plus faux, bien sûr. Mais la rumeur, c’est bien connu, a plusieurs vies. Le gouvernement a eu beau répéter que ses ateliers offerts dans un millier d’établissements scolaires (en attendant la rentrée de septembre) ne cherchent pas à s’immiscer dans l’éducation sexuelle des enfants, le doute s’est ancré dans les esprits.
Non, jure le ministère de l’Éducation, l’«ABCD de l’égalité» n’a qu’un seul but: lutter dès le plus jeune âge contre les stéréotypes garçons-filles. Tout cela pour mettre fin un jour à la suprématie du masculin sur le féminin qui, en France, est encore particulièrement marquée.

La gender theory, née aux États-Unis dans les années 1970, a toujours fait l’objet de tous les fantasmes. Elle peut se résumer ainsi: la distinction entre un homme et une femme est d’abord une construction socioculturelle afin d’assigner des rôles à chacun, au-delà des seules différences biologiques.

C’est un peu ce qu’écrivait Simone de Beauvoir dans Le deuxième sexe (1949): «On ne naît pas femme, on le devient.»

Mais peu importe les éclaircissements, le grand délire autour du débat bat son plein. L’école de la République «apprendrait aux petits garçons à devenir des petites filles». Sur les cellulaires de parents d’élèves, un appel à boycotter les classes une fois par mois a été lancé contre les futurs «cours d’éducation sexuelle dès la maternelle ou les cours de masturbation».

On le voit, tout est diabolisé dans la «théorie du genre», et ses opposants sont, en général, les mêmes que ceux qui manifestent contre le mariage homosexuel, autorisé en France depuis mai dernier.

Leur alliance est aussi diverse qu’étonnante : chrétiens conservateurs, voire intégristes, extrême droite et… musulmans. Il n’y a aucun paradoxe quand des camps «ennemis» se découvrent des atomes crochus pour défendre les valeurs familiales qui sauveront la France de la «perversion» et de la «décadence». On veut retirer son sexe à l’enfant!

Où va la France?

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