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«Fascisme» à toutes les sauces au Venezuela

Fascismo! Avec spaghetti, pizza, ciao et… mafia, c’est sans doute le mot italien le plus connu dans le monde. En ce moment, le «fascisme» écrase le paysage politique au Venezuela.

Dans ce pays, les huit lettres qui ont fait la «gloire» de Benito Mussolini pendant deux décennies sont employées à toutes les sauces. «Le Venezuela uni contre le fascisme!»: le mot d’ordre brûle en permanence des deux côtés du rideau de feu qui embrase actuellement le plus grand producteur de pétrole latino-américain.

Le président Nicolás Madura, qui n’a ni le charisme ni les talents politiques de son prédécesseur Hugo Chávez mort d’un cancer en mars dernier, accuse ses opposants de «fascistes» et ces derniers lui renvoient aussitôt la balle.

Dans une guerre idéologique de tranchées, ce recours à la même rhétorique est classique. Chaque camp diabolise l’autre. Ce qui a pour effet d’attiser les flammes.

Même Madonna s’est récemment jetée dans la poudrière vénézuélienne, qualifiant Maduro de «fasciste».

Dans un pays ayant connu trois tentatives de coups d’État depuis 1992, l’opposition ­– qui n’assume pas ses échecs électoraux – rêve-t-elle à un putsch pour en finir avec le gouvernement de centre-gauche de Maduro, le «fasciste»?

Le pouvoir, lui, aurait recours à des groupes paramilitaires pour réprimer les manifestants, majoritairement des étudiants. L’utilisation de milices armées afin de mater les adversaires de Mussolini était une des caractéristiques du fascisme italien.

Dans tous les cas, il n’y a aucune sortie de crise en vue tant que le mot «fascisme», si lourd de sens, se retrouve à la fois dans la bouche de ceux qui représentent la légitimité du pouvoir élu et de ceux qui le contestent démocratiquement dans la rue.

La bataille sémantique est totale autour du mot passe-partout. Elle cadenasse tout débat.

Pendant ce temps, un tiers des Vénézuéliens vivent dans la pauvreté et l’inflation frise les 57%. Seuls les militaires reçoivent, dit-on, des hausses salariales équivalentes à ce record mondial.

En se tenant la main dans la démagogie, les deux camps politiques font revivre un vocable qui avait été relégué aux oubliettes en Amérique latine dominée pendant des décennies par de sanglantes dictatures.

Ironiquement, le Venezuela a longtemps été à contre-courant des autres États du sous-continent, accueillant à bras ouverts leurs réfugiés politiques.

Aujourd’hui, c’est dans ce pays que le «fascisme» refait surface. Maduro l’évoque pour discréditer ses adversaires qui, eux, l’emploient pour le délégitimer.

Le dialogue de sourds est total et les échos de guerre civile se font peut-être entendre dans le ciel politique vénézuélien où il manque de tout, sauf des balles.

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