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La danse du feu

Group Of Children Enjoying Drama Class Together Photo: Getty Images

L’autre jour, je suis allé voir le spectacle de danse de mon fils Johnny Trempe (quatre ans) à la garderie. Les parents étaient invités à prendre place dans un des locaux réservés pour l’occasion et à attendre le début du spectacle. Comme j’étais particulièrement pimpant, je me suis laissé aller à souffler quelques niaiseries juste pour voir la face des autres parents, genre «J’espère qu’ils vendent de la bière à l’entracte» ou «Est-ce qu’on peut fumer ici?»

Entrent les enfants, tous sur le point d’exploser tant ils sont fébriles. La professeure de danse explique que le spectacle est une évocation du passage des saisons, une thématique qui, d’Antonio Vivaldi à Daniel Bélanger, a fait ses preuves lorsqu’il s’agit de vendre des reucords. Ce qui est intéressant quand tu regardes des enfants de quatre ans danser, c’est que ça ressemble beaucoup à l’organisation générale de la société: au début, tout le monde est motivé; mais rapidement, on en perd un, puis deux qui ont l’air de se dire : «Pourquoi danser quand je peux NE PAS danser?»; puis il y a ceux qui font complètement à leur tête, genre: «Je suis un artiiiiiiste, mes bras sont mes pinceaux, mes pieds bougent au rythme de ma propre liberté!»; puis il y a ceux qui ne lâchent pas la prof des yeux et répètent chacun des mouvements imposés sans égard aux conséquences (comme ce coup de bras dans le visage d’un voisin); il y a aussi ceux qui ne dansent que pour faire plaisir à leur audience, aujourd’hui leurs parents, mais demain l’Europe? le monde?; puis il y a celle qui pleure dans un coin ou celui qui se décrotte le nez, ou ceux qui sont amoureux, ou celui qui est fier de ses nouveaux souliers, etc.

J’en étais rendu là dans cette réflexion quand l’alarme de feu a retenti. Quelqu’un de la garderie a élevé la voix et a sommé tout le monde de rester calme et a expliqué comment procéder. Parents et enfants ont donc évacué le building pendant que trois camions de pompiers arrivaient dans le stationnement, au grand plaisir des enfants qui avaient l’air de penser : «Ça, c’est ben plus l’fun que danser sur du f*ckin’ soft-rock!»

Après quelques minutes, les pompiers ont maîtrisé la situation. Le capitaine s’est alors adressé à la foule d’éducateurs, de parents et d’enfants qui poireautaient sous une pluie battante: «Tout va bien, vous allez pouvoir réintégrer le building bientôt. Il semble que quelqu’un a tenté de fumer dans les toilettes et a déclenché le détecteur.»

J’te jure, tous les parents se sont retournés vers moi avec de gros yeux mouillés par la pluie et assombris par la colère. Je suis venu pour m’expliquer et dire que c’était une joke et que je ne fume même pas, mais je me suis contenté de sourire de manière sibylline parce que t’sé, parfois, dans la vie, il faut savoir assumer ses décisions (aussi stupides soient-elles) et se dire à la manière du regretté David Bowie: well, Let’s Dance.

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