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Les données

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De la même façon, on nous promet l’avènement d’une «ville intelligente», une ville qui se gère quasiment elle-même. Grâce aux outils numériques et à la collecte de données, les décisions optimales seront prises pour nous.

C’est un peu l’exercice auquel la Ville de Mont­réal s’est livrée en produisant un rééquilibrage du financement des arrondissements. Dans son calcul, elle a utilisé des paramètres pour mesurer les coûts reliés à une vingtaine de domaines d’activité: parcs, bibliothèques, eau, installations sportives, etc. Puis, elle a réparti les sommes disponibles en fonction de cette évaluation. Des arrondissements ont donc perdu une part substantielle de leur budget, d’autres ont vu le leur augmenter.

L’intention est louable: normaliser les budgets de manière que les citoyens de différents arrondissements bénéficient de niveaux de services équivalents à un prix équivalent. Le budget paramétrique est un outil au service de l’équité. Mais en dépit de leur précision, les paramètres n’engendrent pas toujours les effets désirés.

Par exemple, un petit calcul permet de découvrir que le rééquilibrage a accordé une augmentation de budget de voirie aux arrondissements dont les rues étaient déjà en meilleur état, et une baisse de budget de voirie aux arrondissements dont les rues étaient le plus usées. Ce n’était pas l’intention de la Ville, mais c’est un effet pervers produit par les paramètres choisis.

Et le budget paramétrique ne tient pas assez compte du niveau d’utilisation des actifs, par exemple de l’usure des livres empruntés plus souvent à la bibliothèque ou des pelouses des parcs fréquentés plus souvent. Enfin, les paramètres ont un autre défaut: ils n’ont pas de vision. Ils comptabilisent les installations actuelles, pas l’aspiration des populations à avoir plus d’espaces verts ou moins de routes, par exemple.

Le paramétrage est un exercice utile et pertinent qui doit être raffiné. Les données ne sont pas intelligentes en soi. Les citoyens, eux, le sont. Dans ce genre de démarche budgétaire, comme dans celles qui bâtiront notre future «ville intelligente», les citoyens sont des alliés de taille. Avant que les nouvelles applications atterrissent dans nos téléphones mobiles, avant même que les données soient compilées, des choix devront être faits. Par qui? Les citoyens doivent être consultés, leurs connaissances et leurs vécus mis à profit dans les orientations adoptées. Le numérique doit être mis au service d’une vision de la ville, et c’est aux citoyens d’en dessiner les contours.

Merci à Stéphane Guidoin (dataholic.ca), qui a produit les calculs et l’analyse à l’origine de ce billet.

Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.

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