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Rage contre le guidon

Photo: Thinkstock

Cette chronique est en lien avec l’article Où les cyclistes se font-ils percuter à Montréal?.

Plus il prend de la place sur nos routes, plus le vélo déclenche des passions. Nous l’avons vu avec le «casque-gate» de la semaine dernière, alors que l’entrepreneur Louis Garneau a dû retirer ses paroles en faveur du port du casque obligatoire. Mais au-delà de l’émoi que le port du casque provoque, les cyclistes semblent de plus en plus susciter la haine chez d’autres usagers de la route.

C’est du moins ce qui ressort à la lecture de commentaires recensés au bas d’articles portant sur la cohabitation routière. À en croire certains, les cyclistes devraient être… interdits. D’autres croient que les cyclistes victimes d’accidents de la route ont tout simplement couru après: Non, mais, rouler à bicyclette, à Montréal, faut le faire! «À vélo, en ville, es-tu tombé sur la tête?!?»

Les cyclistes sont perçus par certains comme des parasites de la route qui ne paient pas de taxes, notamment d’immatriculations. L’idée qu’un cycliste puisse aussi être un automobiliste – ou quelque chose d’autre qu’un pauvre écolo vivant en autarcie – semble rarement effleurer l’esprit de ces contribuables calculateurs. Jamais, non plus, le fait que l’usage du vélo apporte plusieurs avantages à la société (réduction de la pollution, atténuation du trafic, diminution des frais de santé – à condition qu’on ne les écrase pas –, etc.), ne semble être pesé dans la balance.

L’un des exemples les plus flagrants de cette haine consumée à l’égard des cyclistes se trouve sur la page Facebook de la Société de l’assurance automobile du Québec, à presque toutes les fois où il est question de partage de la route. Une personne avec une patience redoutable et un sens inégalé de la répartie y gère la colère des automobilistes avec doigté.

Cette haine se ressent aussi sur les routes, où la tension entre cyclistes et automobilistes est palpable. Ceux qui se meuvent sur deux roues sont de plus en plus nombreux et il est vrai qu’ils peuvent ralentir votre course si d’aventure vous êtes le moindrement courtois (et terrifié à l’idée de mettre la sécurité de l’un d’eux en péril). Bien qu’ils semblent être des cas d’exception, les exemples de rage contre le guidon répertoriés dans les médias frappent l’imaginaire, sûrement en raison de l’inégalité entre les protagonistes.

Si cyclistes et automobilistes partagent les responsabilités en matière d’infractions au code de la sécurité routière, reste qu’un cycliste a moins de chances de mettre la vie d’un automobiliste en danger que l’inverse. Qu’ils portent un casque ou non, sur les routes, les cyclistes sont vulnérables. Que certaines personnes aient une conception du civisme trop étroite pour voir en eux des citoyens à part entière, dignes de respects et ayant droit à la sécurité, c’est une chose. Les réseaux sociaux sont capables du meilleur, mais surtout du pire. Ce qui est plus gênant, c’est quand un discours anti-cycliste s’immisce insidieusement chez nos élus.

Le ministre des Transports utilise lui-même le terme «citoyen» comme synonyme d’automobiliste. Au sujet d’un projet de loi qu’il prépare pour les cyclistes, il disait, en entrevue à Pénélope McQuade le dimanche 12 juillet: «Si vous êtes un cycliste, vous n’avez pas de raison de passer sur une lumière rouge. Mais le citoyen aussi il faut qu’il vous respecte. Le piéton également». On en déduit dans cette affirmation que le citoyen est l’automobiliste. Si l’automobiliste est le citoyen, que sont les autres usagers de la route? Des sous-citoyens? C’est plutôt inquiétant qu’un décideur qui s’apprête à façonner le code de la sécurité routière voit dans ceux qui polluent le plus les seuls citoyens. Heureusement que Louis Garneau est là pour conseiller notre ministre. Lui, on peut être sûr qu’il a les cyclistes – et un peu leur portefeuille – à cœur!

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