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Semaine mode Montréal: stratégie et haute couture

Les partenariats ont bien servi la marque Harricana, en pleine expansion. Photo: Collaboration spéciale

Les partenariats ont bien servi la marque Harricana, en pleine expansion. On pourra le constater la semaine prochaine dans le cadre de la 24e Semaine mode Montréal : en plus des accessoires qui ont fait sa renommée, Mariouche Gagné crée depuis peu des manteaux avec Rossignol. Elle proposera aussi des tricots, ce qui permet à la designer de dire qu’elle habille désormais ses clients «de la tête aux pieds».

Ce n’est pas une nouvelle : en Europe, les grandes maisons ont depuis longtemps compris la valeur des produits dérivés. Sacs à main, cosmétiques et parfums sont devenus les porte-étendards de marques comme Hermès, Chanel ou Christian Dior.

Aujourd’hui, les grands noms québécois du design de mode s’y mettent à leur tour, certains allant jusqu’à les présenter à la Semaine mode Montréal (SMM). Analyse.

Ces dernières années, Shan a lancé une collection de verres fumés. Marie Saint Pierre a, entre autres choses, créé une collection de deux parfums et du mobilier, présenté à la dernière SMM. Mariouche Gagné vient également de percer l’univers de la parfumerie avec Harricana. Même la toute jeune griffe Coccolily propose, depuis cet automne, sacs à main et vernis à ongles. Et ce ne sont là que quelques exemples parmi d’autres.

«Le parfum sert d’introduction à une marque tout en étant sont porte-étendard, et il peut générer beaucoup de profits. […] En d’autres mots, le parfum permet, comme les magnats aiment à le rappeler, d’acheter du rêve.» – Dana Thomas, journaliste de mode dans son essai Deluxe. How Luxury Lost its Luster

Il semble bien que les créateurs d’ici soient passés à un autre niveau. Selon la directrice du programme en gestion et design de mode à l’École supérieure de mode de Montréal, Michèle Beaudoin, cette tendance «fait partie du développement stratégique».

«Il est important d’ajouter que ces produits ont un grand pouvoir de promotion, continue-t-elle. À partir du moment où la marque est distribuée sous forme de lingerie, de mobilier, de parfum, etc., le nom circule davantage, ce qui permet l’extension de la marque sur le marché et d’augmenter la notoriété.»

«Aujourd’hui, le parfum sous toutes ses formes est un composant essentiel de toute marque de luxe, confirme d’ailleurs la journaliste Dana Thomas dans son essai Deluxe. How Luxury Lost its Luster (2007). Des marques qui n’ont rien à voir avec la mode, comme les joailliers Cartier et Van Cleef & Arpels, ont lancé des parfums, et les nouveaux venus Narciso Rodriguez et Stella McCartney ont lancé une fragrance dès que leur compagnie a eu les moyens de le faire.»

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Directrice de l’atelier de création Marie Saint Pierre, Chantal Malbœuf estime que «l’industrie québécoise de la mode est à un tournant de son histoire. Si nous voulons la faire progresser, il faut revoir les objectifs et trouver comment mieux rentabiliser les collections.» C’est du moins le point de vue qu’elle a fait valoir dans le cadre de la conférence «L’avantage d’une production locale?», organisée par Vestechpro (Centre de recherche et d’innovation en habillement de l’établissement d’enseignement) l’automne dernier.

Sa solution? «Le développement de produits complémentaires», répond celle qui a fait ses classes en Europe, notamment chez Givenchy.

«Tom Ford, qui a agi en tant que directeur créatif de Gucci de 1994 à 2004, est généralement pointé du doigt comme l’instigateur de cette nouvelle ère de profitabilité, qui se résume à vendre des accessoires griffés, rappelle Elizabeth L. Cline dans son essai Overdressed (2012). Ouvrez n’importe quel magazine de mode et vous verrez que les premières pages sont remplies de publicités pour des sacs à main, des chaussures, des montres, des lunettes et du parfum. C’est ce qui est payant pour ces grandes marques.»

S’inspirer des modèles européens, c’est bien, mais pour les PME québécoises, la clé du succès repose surtout sur des partenariats, nuance Michèle Beaudoin. «On doit absolument favoriser les collaborations et les partenariats, souligne-t-elle. C’est un volet que je défends et auquel je crois, parce qu’on ne peut pas faire tout, tout seul, surtout dans une petite entreprise.»

La preuve : Shan a travaillé en collaboration avec le lunetier parisien Jacques Durand, et Marie Saint Pierre a créé ses parfums avec l’artiste-parfumeuse Evelyne El Koubi, alors que la fragrance Harricana a été élaborée par Isabelle Michaud de Monsillage.

Cela dit, Mariouche Gagné, la designer derrière Harricana, est loin de prétendre que la fragrance qui porte son nom sera si rentable. «Pour nous, ce n’est pas une grosse machine, explique-t-elle. On s’était simplement dit que ça finirait l’univers Harricana.»

Quoi qu’il en soit, dans un contexte commercial où les ventes en ligne prennent de plus en plus de place – peu de designers québécois résistent encore à l’idée d’ouvrir une boutique électronique –, les produits dérivés sont indubitablement une voie à explorer, souligne Mme Beaudoin. Et, continue-t-elle, «tous ces produits dérivés sont faciles à vendre en ligne».

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