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Bienvenue à Ordos, ville fantôme chinoise

Jordan Pouille - Metro World News

Aux frontières du désert de Gobi, dans la Mongolie intérieure chinoise, des gratte-ciel, des fontaines et des monuments ont poussé. Mais l’opulente nouvelle ville d’Ordos, sensée compter un million de Chinois, est étrangement vide. Métro s’est rendu dans la ville fantôme.    

Un col bleu d’Ordos, en Chine, a passé le début de la journée à nettoyer les rues de la ville. «Il est 15 h et j’ai seulement ramassé deux mégots de cigarette et un dépliant. Tranquille, n’est-ce pas?» demande-t-il. Mais Bao Bao ne se plaint pas. Cet ancien employé d’une usine de chaussures dans la province du Sichuan gagne maintenant un salaire décent et profite d’une assurance-maladie… en ne faisant presque rien!

Dans le district ultra moderne de Kangbashi, à Ordos, les longues routes droites sont inanimées et les tours résidentielles sont pratiquement vides. La nouvelle ville d’Ordos, à quelque 30 km de l’ancienne, était sensée accueillir 1 million d’habitants. Mais personne n’y vit. La ville fantôme est une conséquence radicale du marché immobilier chinois qui croît à une vitesse fulgurante.

Ici, près des steppes arides de la Mongolie intérieure, à l’endroit où est né Genghis Khan, des investisseurs gagnent des millions de yuans grâce à l’industrie houillère. La province est d’ailleurs la plus importante productrice de houille. Cherchant une façon d’investir leur argent, les nouveaux riches d’Ordos ont été encouragés à dépenser localement et à construire une nouvelle ville.

Les investisseurs ont donc enrichi des promoteurs immobiliers avec qui même les grandes banques ne feraient pas affaires. Entre-temps, le gouvernement chinois a empêché les propriétaires d’acheter une troisième demeure afin de contenir la spéculation dans le pays. Résultat? Une foule de nouveaux développements immobiliers sont vides. «Pourquoi je travaillerais ici? demande un chauffeur de taxi. Il n’y pas d’emplois, pas d’entreprises, pas d’usines. Il n’y a que des employés du gouvernement qui se promènent dans des voitures luxueuses.»

L’administration de la ville tente tant bien que mal d’attirer des familles dans le secteur et engage les meilleurs professeurs comme appât. «Mais les parents ne viennent pas, indique Qing Liming, un professeur d’anglais nouvellement employé. Ils n’envoient que leurs enfants pour qu’ils y étudient.»

Elle a donc décidé d’en profiter. Elle pait sa maison 50 000 yuans (8 000 $) par année, mais elle charge 1 700 yuans par mois aux étudiants qui habitent l’endroit. Ils sont 23. Mme Liming touche près de 400 000 yuans (60 000 $) de profit par année en transformant sa maison en dortoir.

En marchant dans Ordos, on ne peut s’empêcher de réaliser l’influence occidentale. «Nous avons copié le design de l’architecture occidentale, mais ce n’est pas suffisant pour attirer les gens ici, regrette un agent. Si vous payez cash, vous avez un rabais de 50 %», poursuit-il.

Malgré ses allures occidentales, Ordos possède un caractère très autoritaire. Un style qui ne séduit pas vraiment. Le bâtiment qui abrite le journal local et le département de la Propagande sont sis juste devant les bureaux principaux du gouvernement. Dans le même secteur : des statues monumentales en l’honneur du guerrier mongol Genghis Khan.

Non loin de là, une artère culturelle comprend une maison d’opéra abandonnée (surnommée la «crotte de chien» à cause de sa forme et de sa couleur), une bibliothèque qui ressemble à des livres géants, un théâtre qui n’est ouvert que pour les employés du gouvernement, une douzaine de statues en or et un lac artificiel non durable. Pas surprenant que les habitants ne peuvent utiliser l’eau du robinet que cinq jours sur sept. «L’été prochain, vous pourrez apprécier ici le plus important spectacle de fontaines de l’Asie», indique pourtant Cecily Huang, du bureau de tourisme d’Ordos.

Trouver refuge… en prison

Plusieurs journaux chinois parlent des tentatives désespérées des promoteurs immobiliers de se débarrasser des investisseurs de la houille qui aimeraient bien revoir la couleur de leur argent. Les médias locaux ont même rapporté que des débiteurs sont délibérément passés en voiture, en état d’ébriété, devant les postes de police. La raison? Passer quelques jours derrière les barreaux pour éviter les créditeurs! D’autres ont choisi de quitter le pays ou même de se suicider.

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