Mes hommages. La féérie du temps des Fêtes bat son plein (les touchantes annonces de gens qui boivent du Coke yeux-fermés-et-crâne-abandonné-vers-l’arrière avant de s’enlacer dans le grésil en se promettant mille roussettes en témoignent de belle façon). Et comme plusieurs, le temps des Fêtes me rend émotive. Sensible, même. J’ai envie d’aimer. De donner. De pardonner des affaires qui se pardonnent semi. De ranger mes petits glaives et d’organiser des tombolas où tous se réconcilieraient en essayant d’attraper une Granny Smith dans une bassine d’eau claire d’un franc coup de maxillaire, mains au dos et tricot norvégien parsemé de miettes de chips.
Alors. À défaut de m’être fait aller le généreux pis le oh-so-giving sur le coin d’une rue avec ma petite canisse de guignolée et mon audacieux chapeau de feutrine hier, JE ME REPRENDS AUJOURD’HUI, SUZIE. Absolument! En fait, je m’adresse plutôt à toi, René. Le souci, c’est que j’ignore ton véritable prénom puisque, d’une part, je ne te l’ai pas demandé, mais aussi parce que je n’ai entendu que le miel de ta voix au détour d’une conversation rieuse avec un ami. Tu marchais tout juste derrière moi et, ma foi, même trois jours plus tard, je me réjouis encore d’avoir fendu le vent et tracé ce bienveillant corridor de franche swing qui, au moins, t’aura facilité le pénible du déplacement. C’est que tu m’as semblé fort anxieux, René. Anxieux et confus, petite main hésitante et tendue devant, à la recherche d’une solution miracle pour te tirer d’une situation qui te pourrit la vie.
Laisse-moi te venir en aide (féérie oblige). Pour ceux qui me lisent à l’instant et qui ne se prénommeraient pas René (mes hommages!), je vous explique. Quarantenaire gaillard, René semble avoir tout pour lui. La rotule du coureur. Le verre transition. La rigueur du Grevisse et l’enthousiasme de tous les possibles. Tout. Mais voilà; entre deux ricanettes, René confiait à son camarade de marche rapide qu’avec tout ce qui se passe avec «les dénonciations de violeurs sur Facebook», il ne savait désormais plus très bien comment se comporter au travail. Était-ce encore «correct» de faire la bise à cette nouvelle collègue de travail rencontrée le matin même au bureau, comme il l’a toujours fait? Et est-ce qu’une petite main inopinée dans le dos lors de ladite bise, une main fraternelle, HONNÊTE, ferait voler sa carrière en éclats avec menace de bagne et d’éviscération dans un car à vidanges? Comment saluer les femmes, «astheure que tout le monde vire fou avec le sacrament de niaisage de #moiaussi»?
Eh bien voilà. La POIGNÉE DE MAIN, René. La poignée de main, comme tu la fais à un monsieur qui te rend toute chose. Un signe de tête. Un beau bonjour. Une paume métronomique agitée avec fougue à hauteur de visage (le tien). Un regard pétillant. Un choc vagal. Un gant de styromousse sur lequel on peut lire «HI SUZAN». Une chorégraphie celte fait aussi le sale boulot.
Tes petites mains et ta petite bouche en cœur, si tu ne sais qu’en faire ou t’en questionnes l’usage, garde-les. Je me charge de la bise.
La bise! (une dame de parole)