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La pénurie dans le réseau montréalais de la santé inquiète le SCFP

Une pénurie de personnel «critique» dans les établissements québécois de la santé et des services sociaux cet été pousse le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) à interpeller le gouvernement pour venir en aide aux usagers du système et aux employés. Les établissements montréalais ne sont pas épargnés par le manque de main-d’oeuvre, selon le syndicat.

«Ce sont des choses qui durent depuis longtemps. Les travailleurs sociaux, par exemple, sont en sous-nombre et sont surchargés de travail. On voit la même chose dans les [Centres intégrés universitaires de Santé et de Services sociaux (CIUSS)] de l’Île de Montréal», constate le vice-président du Conseil provincial des affaires sociales du SCFP (CPAS-SCFP), Luc Beauregard.

Le SCFP ajoute que cette pénurie vient de ce fait causer un préjudice aux patients. «La madame qui attend pour un diagnostic du cancer du sein ne l’aura pas si le technologue en radiographie n’est pas là», affirme M. Beauregard.

Gestion de crise
Métro a tenté de rejoindre les cinq CIUSSS qui couvrent le territoire montréalais afin d’obtenir leurs réactions à cette «pénurie», mais aucun des établissements n’a pu fournir de porte-parole. Trois centres ont toutefois envoyé des réponses par courriel.

Chez le CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, on «fait face à un défi de recrutement et de rétention de la main d’œuvre depuis plusieurs années, entre autres pour le personnel infirmier.»

Pour pallier à ce manque, le CIUSSS du Centre-Sud s’efforce «d’augmenter le nombre d’heures des postes à temps partiel» et de «créer des postes à temps complet», peut-on lire dans le message électronique de l’établissement de santé. Selon le personnel des relations médias, 140 nouveaux postes à temps complet ont été créés depuis janvier pour les infirmières.

Celui de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal a relayé le message suivant par courriel: «à l’instar des autres établissements du réseau de la santé et des services sociaux québécois [nous sommes confrontés] à des défis de recrutement dans la majorité des secteurs d’emploi.»

Le CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal a fait entendre quant à lui un autre son de cloche. «La majorité de nos besoins en main-d’oeuvre ont été comblés pour l’été au CIUSSS du-Nord-de-l’Île-de-Montréal et les vacances de nos employés se déroulent comme prévu. Nous continuons tout de même à suivre la situation de près», a-t-on fait savoir dans un courriel.

Depuis longtemps
Ce n’est pas la première fois que la métropole québécoise est touchée par la pénurie de main d’oeuvre qui gangrène le réseau provincial. En juin 2018, des employés du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM) ont dénoncé leurs conditions de travail et l’épuisement généralisé lors d’une manifestation.

Plus tard au cours de l’été 2018, un sondage mené par la Fédération de la santé et des services sociaux auprès de 13 000 salariés avait brossé un portrait choc de la surcharge de travail chez les employés du réseau. Près de 80% des répondants rapportaient alors que leur charge de travail «s’était alourdie» au courant des trois dernières années.

Si la pénurie se remarque «à l’année», selon Luc Beauregard, les difficultés sont d’autant plus décuplées au cours de l’été. «C’est plus probant parce que la moitié de l’équipe est en vacances», fait-il remarquer.

Ça se poursuit
Selon M. Beauregard, on parle d’une «pénurie claire» chez le personnel infirmier et chez les préposés aux bénéficiaires. «Pour les autres types d’emplois, c’est surtout un manque d’effectif, de postes et de développement», avance-t-il.

«Si on dit qu’on manque d’infirmière, analyse le professeur Régis Blais, titulaire à l’École de santé publique de l’Université de Montréal, c’est peut-être parce qu’on ne les traite pas bien et qu’on ne leur donne pas les conditions qui leurs permettent de rester dans le réseau ou de les attirer.»

«On est rendu avec un énorme roulement de personnel, ce qui fait que ceux qui restent sont en surcharge. Ça donne des taux énormes d’arrêts de travail, et partout dans le réseau c’est comme ça.» – Luc Beauregard, vice-président du (CPAS-SCFP)

Dans un communiqué de presse relayé par le SCFP mercredi, on apprend que près de 500 quarts de travail d’agents d’intervention seront non-comblés à l’Institut national de psychiatrie légale Philippe-Pinel d’ici au 31 août prochain. L’établissement situé sur le boulevard Henri-Bourassa, à Montréal, se verra aussi retirer plus de 400 quarts de sociothérapeutes et près de 170 aux soins infirmiers.

Selon M. Blais, cependant, «quand on parle de pénurie, ça dépend du type de personnel dont on parle». Les médecins, par exemple, ne sont pas touchés.

La réforme en cause?
La réforme de la santé du gouvernement libéral de Philippe Couillard, guidée par l’ex-ministre de la Santé Gaétan Barrette, a d’une certaine façon contribué au paysage actuel, selon le professeur Régis Blais, spécialisé dans la gestion des politiques de santé. «On n’a pas amélioré les conditions de travail. On a réduit le nombre de cadres, mais il y a des choses importantes qu’ils faisaient. Il y a peut-être des professionnels qui vont devoir assumer des fonctions de cadres, ce qui leur donne moins de temps pour les soins», avance-t-il.

«La réforme a regroupé dans un grand ensemble différents établissements, reprend-il. Et y a plus de gens en congés de maladie. Donc, ça réduit le nombre de personnes disponibles.»

Trouver des solutions
Le ministère de la Santé et des Services sociaux offre désormais une prime de 75$ aux employés en soins infirmiers et aux préposés aux bénéficiaires qui effectueront des quarts supplémentaires de fin de semaine cet été. Cette mesure, quoique «intéressante», n’est pas suffisante, maintient Luc Beauregard. «Ça se limite à deux types d’emplois qui travaillent en services généraux, observe-t-il. Dans la même équipe, certains vont avoir des primes, d’autres non.»

Le Syndicat demande donc que cette prime s’étende à l’ensemble des postes du réseau.

Le ministère bénéficierait aussi d’offrir une structure plus «complète de postes», selon M. Beauregard. «Ce qu’on demande, c’est qu’ils ouvrent des postes qui complètent la structure requise pour donner des services à l’ensemble de la population», poursuit le porte-parole.

M. Blais abonde dans le même sens. Il conviendrait selon lui de réorganiser le travail. «Pour les infirmières, il faut offrir du temps plein. Il faut bonifier le salaire de ceux dont on manque.»

Ces nouvelles conditions mèneraient les employés à pouvoir obtenir des congés et vivre la conciliation travail-famille, d’après M. Beauregard.

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