Selon des experts en urbanisme, la solution aux enjeux liés aux développements immobiliers sur des terrains boisés passerait par une approche participative ainsi qu’une vision globale de l’aménagement du territoire à grande échelle.
Que ce soit à Pincourt, L’Île-Perrot, Vaudreuil-sur-le-Lac ou Notre-Dame-de-l’Île-Perrot, nombreux sont les boisés qui ont fait l’objet de mobilisations citoyennes au cours des derniers mois en raison de développements immobiliers.
La popularité de ces terrains auprès des promoteurs est notamment grandement due à la proximité avec Montréal et aux atouts de la région, selon le professeur adjoint à l’école d’urbanisme et d’architecture du paysage de l’Université de Montréal, Shin Koseki.
«La proximité avec un centre économique comme Montréal met de la pression immobilière sur les terrains qui sont disponibles au développement, explique-t-il. La proximité à l’eau et à la nature est aussi un élément recherché.»
Son collègue, le professeur titulaire Gérard Beaudet, indique quant à lui que les retombées économiques peuvent également faire pencher la balance en faveur des promoteurs. Il s’agirait toutefois d’une lame à double tranchant.
«Les dépenses des municipalités augmentent, donc ils doivent trouver de nouvelles sources de revenus, assure-t-il. Mais à long terme, les revenus supplémentaires ne tiennent pas compte du coût des infrastructures qui devront être adaptées à l’augmentation de la population.»
Bienfaits
Les boisés, lorsqu’ils sont reliés entre eux, aident notamment à capter le carbone, solidifier les sols et améliorer le paysage.
«Il faut qu’il y ait des maillages d’espaces verts pour que même les plus petits aient une valeur écologique qui soit optimale. Si on se met à construire sur ces terrains, on casse cette chaîne de boisés et on les rend moins performants sauf ceux qui sont de plus grande superficie.» -Gérard Beaudet
«Un boisé local n’est pas un poumon, mais lorsqu’il est jumelé avec d’autres, les effets positifs se font vite ressentir, explique-t-il. C’est pourquoi on privilégie les trames pour relier les boisés entre eux.»
Construire sur ces terrains n’est pas avantageux à long terme. «Construire sur des terrains boisés, c’est un peu la pire chose qu’on peut faire en termes de développement durable, continue le membre de la chaire de recherche de l’UNESCO en paysage urbain. Rendre un terrain agricole constructible serait moins dommageable.»
Mains liées
Dans certains cas, le boisé visé par un développement immobilier est zoné résidentiel. Les municipalités ont alors peu de moyens pour empêcher le projet de voir le jour, à partir du moment où le promoteur obtient les autorisations nécessaires.
Selon M. Koseki, l’absence de leviers décisionnels relève du fait que beaucoup de boisés sont présents au Québec et au Canada.
«En Suisse par exemple, où il y a peu de zones boisées, il est interdit de couper des forêts pour quelque prétexte que ce soit, avance-t-il. Ici, on est peut-être moins sensibilisé à l’impact qu’ils ont sur les gens qui vivent autour parce qu’on en a tant.»
M. Beaudet indique quant à lui que des leviers existent, mais qu’ils sont difficiles à mettre en place. «Les municipalités pourraient se mettre ensemble et réclamer une meilleure cohérence dans l’octroi des permis des différents ministères, du MAPAQ et des autres instances, mais ils ne le font pas, car ils ont besoin des revenus supplémentaires», dit-il.
Solutions
Pour le professeur titulaire, la solution passerait par une planification globale de l’aménagement du territoire. De cette manière, une meilleure cohérence serait assurée.
«Depuis plusieurs années, il y a plusieurs organismes qui demandent que l’État québécois se dote d’une politique nationale du territoire pour qu’on arrête d’en arriver avec des solutions au cas par cas», explique Gérard Beaudet.
L’acquisition de terrains, comme dans le cas du boisé Rousseau à Pincourt, peut également être envisagée, mais n’est pas toujours réalisable.
«Les petites municipalités n’ont souvent pas les moyens de procéder à de telles acquisitions parce que ça peut être très couteux, évoque-t-il. C’est pour ça qu’il faut se retourner vers une vision du territoire qui fait que l’on convient d’éléments non négociables, et pour qu’on arrête de bricoler des projets comme on fait présentement.»
De son côté, Shin Koseki affirme qu’une approche participative pourrait également être une piste de solution. «Les urbanistes de nos jours sont formés à une approche qui implique les municipalités, les promoteurs et les citoyens, indique-t-il. Il n’est pas question de partir d’un projet, mais de déterminer ensemble une démarche au cours de laquelle on décide quel projet serait le plus bénéfique pour la communauté.»
D’ici juin 2022, les MRC devront se doter d’un plan régional des milieux humides et hydriques valable pour 10 ans, ce qui pourrait constituer un premier pas vers une cohérence régionale de conservation des milieux naturels.