Plusieurs centaines de sans-papiers ont passé la nuit de samedi à dimanche devant le Complexe Guy-Favreau, qui abrite des bureaux de Immigration Canada à Montréal. Des familles avec enfants, des jeunes et moins jeunes, ont veillé toute la nuit dans le froid pour lancer un message au gouvernement canadien. Au-delà de ce message, certains d’entre eux ont raconté leur histoire.
Diallo Mamadou, 22 ans sans statut au Canada
Arborant un masque et une tuque, le Guinéen sans-papiers Diallo Mamadou avance presque de peine et de misère au micro pour témoigner de sa situation. L’homme de 59 ans a passé les 2 dernières années avec un statut précaire et les 20 précédentes «entre les deux chaises», pour un total de 22 années au Canada en tant que sans-papiers.
D’une voix tremblotante et pleine d’émotion, il raconte avoir laissé depuis ce temps, en Guinée-Conakry, sa femme et ses cinq enfants qu’il n’a pas vus depuis.
«Depuis 2003, je vis dans la précarité. Je suis exploité par des agences et je n’ai pas accès aux soins médicaux. Ils me paient ce qu’ils veulent. Je suis obligé de prendre, car ils savent que je suis sans statut», confie-t-il.
Toute sa famille restée en Guinée compte sur lui pour un soutien financier. Mais parfois, ses enfants doivent passer des jours sans nourriture. Comme lorsqu’il a eu un accident et ne pouvait plus travailler au noir, ni se faire soigner.
«Je me suis retrouvé avec les deux bras cassés, on m’a transféré d’un hôpital à un autre et personne ne voulait me soigner pendant 18 jours.», se souvient l’immigrant guinéen, avant de reprendre le slogan de Solidarité sans frontière «un statut pour tout le monde.» Finalement il avait pu trouver de l’aide auprès d’une ONG qu’il n’a pas voulu nommer.
Alfredo, malade et exploité
Un Mexicain de 56 ans, Alfredo, ainsi que sa femme, vivent la même situation depuis 12 ans. Ils laissent derrière quatre enfants qui comptent sur eux pour leur pain quotidien. Diabétique et souffrant d’une hernie, Alfredo travaille en entretien ménager depuis neuf ans. On l’a payé au noir pendant près de huit ans 11 dollars par heure, en argent comptant. Cela fait plus d’un an qu’il a eu une augmentation de trois dollars, soit 15 dollars de l’heure, toujours sous la table.
«C’est très difficile de vivre ainsi, mais à notre âge retourner au Mexique serait encore pire pour nous», affirme le couple avant d’appeler à un statut pour tous.
Aboubacar: la dépression guette
Aboubacar Kane, un jeune sénégalais qui milite au sein de Solidarité sans frontière dans la précarité depuis 5 ans. Il vient d’obtenir un permis de travail après avoir passé trois ans sans aucun statut.
«C’était extrêmement difficile, raconte le jeune à Métro. On est coupé de tout, c’est une situation très déprimante. Quand on est là-dedans, on est fatigué de demander de l’aide, on a tendance à se cacher, surtout quand on est malade. On a peur d’aller à l’hôpital, ce qui a pour effet d’aggraver notre cas», explique-t-il. Tout comme Mamadou et Alfredo, il dit avoir travaillé au noir même s’il savait que c’était illégal.
Un programme de régularisation à l’étude
Plusieurs médias rapportent qu’Ottawa songe à mettre sur pied un programme de régularisation globale d’environ 500 000 sans-papiers. L’idée germe au ministère de l’Immigration depuis un an et demi. Justin Trudeau avait mandaté Sean Fraser pour étudier la question et des sources du ministère ont confirmé à Radio-Canada que des discussions sont en cours avec des organismes en vue de statuer sur la manière procéder.
«Il reste 10 semaines avant les vacances parlementaires, souligne Samira Jasmin de Solidarité sans frontière. L’attente est longue et entre-temps, nos droits sont bafoués et on souffre de l’exploitation.»
Elle réclame un programme qui inclurait tout le monde, même ceux qui pourraient devenir sans-statut prochainement «et non pas juste un permis de travail pour prolonger notre exploitation.»
La militante de Solidarité sans frontière indique que les militants sont résistants, mais qu’ils sont à bout de patience. Plusieurs centaines de sans-papiers ont passé une nuit devant le Complexe Guy-Favreau qui abrite des bureaux de Immigration Canada à Montréal en vue réclamer cette régularisation pour tous. Des familles avec enfants, des jeunes et moins jeunes ont veillé toute la nuit dans le froid pour lancer un message aux autorités.