Montréal

Caméras dans les parloirs: elles sont là pour rester à RDP

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Malgré les réticences importantes exprimées par les avocats de la défense et des spécialistes en droits des détenus, des caméras sont toujours présentes dans les locaux où les détenus rencontrent leur avocat, au Centre de détention de Rivière-des-Prairies (RDP). Et le ministère de la Sécurité publique n’a pas l’intention de les retirer.

Installées depuis la fin de 2013, ces caméras filment les détenus et les avocats, sans son.

Le ministère avait alors expliqué que ces caméras avaient pour but d’éviter que des substances illégales, comme de la drogue ou des téléphones cellulaires, franchissent les murs de la prison, en plus d’assurer la sécurité des visiteurs.

La présidente de l’Association des avocats de la défense de Montréal (AADM), Me Danièle Roy, y voit plutôt «une atteinte directe au secret professionnel».

Elle explique que le Barreau du Québec a fait parvenir une lettre au ministère, cet hiver, pour poser certaines questions et faire part de ses inquiétudes face à la présence de ces caméras. La réponse se fait toujours attendre, indique Me Roy.

Argument peu valable
La présidente de l’AADM considère que l’argument fourni par le ministère de la Sécurité publique ne tient pas la route, particulièrement en ce qui concerne le Centre de détention de Rivière-des-Prairies.

«À RDP, les détenus sont de l’autre côté d’une vitre et on leur parle avec un téléphone. Comment voulez-vous qu’il y ait de la contrebande», soulève-t-elle.

Jean-Claude Bernheim, un criminologue qui défend les droits des détenus, se questionne aussi sur le bien-fondé de la démarche et demande plus de transparence.

«La première chose à faire est de justifier les motifs. Il [le ministère] a installé ces caméras sans nous dire ce qu’il fait avec. Il n’y a aucune raison de ne pas être transparent si on n’a rien à cacher», souligne M. Bernheim.

«Les avocats sont au service de la justice. S’il y a des préjugés à l’effet que les avocats vont contrevenir aux lois et à leur code de déontologie, ça ébranle sérieusement le système de justice.»

Si le ministère de la Sécurité publique continue de faire la sourde oreille, l’AADM promet d’agir. «On n’exclut pas la possibilité de prendre des recours juridiques éventuellement», ajoute Me Roy, sans donner d’échéancier précis.

Selon elle, trop de questions demeurent sans réponse. «Les détenus ne savent pas s’ils peuvent se confier sans crainte. Est-ce qu’on peut lire sur leurs lèvres? Est-ce que les enregistrements sont conservés? On ne nous donne que des réponses vagues», dénonce la présidente de l’AADM.

«Le moins intrusif possible», dit le ministère
Questionné par l’Informateur, le ministère de la Sécurité publique ne semble pas avoir l’intention de retirer les caméras.

On indique que les caméras ont été installées pour «assurer la sécurité» des personnes incarcérées, des avocats et des visiteurs puisque des échanges d’objets interdits ont déjà été observés.

Le ministère précise également qu’il existe deux types de parloirs au Centre de détention de Rivière-des-Prairies.

Un parloir public, où il y a une vitre et un téléphone permettant d’avoir une conversation, et un autre privé, où les avocats et les visiteurs peuvent avoir des contacts physiques avec les détenus.

En ce qui a trait aux images que les caméras captent, le ministère assure que le secret professionnel est respecté. «L’installation a été faite de la façon la moins intrusive possible. Les caméras nous empêchent de capter des images rapprochées, d’écouter les conversations ou d’effectuer de la lecture de documents ou de la lecture labiale», assure Louise Quintin, relationniste pour le ministère.

De plus, elle ajoute que les images ne sont «pas nécessairement conservées».

«Il peut arriver qu’une petite portion soit gardée, s’il faut appliquer des mesures judiciaires», spécifie-t-elle, précisant que les images ne peuvent être visionnées que par «un nombre restreint de personnes».

Finalement, le ministère s’explique mal pourquoi certaines associations affirment que des questions demeurent sans réponse.

«Le ministère a répondu à de nombreuses questions, à plusieurs reprises et pour plusieurs organisations», insiste Mme Quintin.

 

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