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Qui sont les bispirituels?

La signification de l’acronyme «LGBTQ2» commence tranquillement à être comprise du grand public. Les termes «lesbienne», «gai», «bisexuel» et «transsexuel» ont déjà fait leur chemin. Plus récemment, la chanteuse Cœur de pirate a fait connaître le terme «queer» à un plus large public. Mais que signifie le 2? «Bispirituel» (two-spirited) est un terme propre aux communautés autochtones. Métro a rencontré Akwiratékha’ Martin, bispirituel de Kahnawake, pour nous expliquer la signification et l’origine de ce terme.

D’où vient le terme «bispirituel» (two-spirited)?
C’est assez récent. Il a été popularisé autour des années 1990 par un groupe LGBT autochtone du Manitoba. Il sentait qu’il n’y avait pas de place pour lui ni dans la communauté gaie ni dans les communautés autochtones. Parce que la communauté gaie était davantage portée vers le stéréotype «party et alcool» et que dans la communauté autochtone, tu dois soit être un homme ou une femme et agir en conséquence, ils ne connectaient ni avec l’un, ni avec l’autre.

Ils ont fait des recherches et se sont rendu compte que dans leur culture autochtone – où il y a des centaines de sous-cultures –, il y avait déjà des termes pour désigner les personnes LGBT. Chaque culture avait son interprétation différente, mais cela avait été perdu à cause du christianisme, de l’église et des pensionnats autochtones. Plutôt que de ramener tous les différents termes, ils voulaient être une communauté. Alors, ils ont créé le terme «two-spirited» (bispirituel) [NDLR: qui est une traduction du terme Anishinaabeg niizh manidoowag, qui fait référence à une personne qui possède à la fois un esprit masculin et féminin] pour connecter leurs cultures autochtone et LGBT ensemble.

Toutefois, ce n’est pas lié aux esprits. Cela signifie plus qu’on embrasse autant notre côté masculin que notre côté féminin.

De quelle façon?
Habituellement, les personnes LGBT sont différentes des personnes hétérosexuelles: elles ont des sentiments différents, une intuition différente, des habitudes différentes. Les hétérosexuels ont plutôt cette vision de «les hommes sont des hommes et les femmes sont des femmes». Les personnes LGBT sont fluides, entre les deux.

Être bispirituel n’a pas de lien avec le sexe directement, quoiqu’une personne hétérosexuelle ne pourrait pas dire qu’elle se sent bispirituelle, puisque c’est notre terme.

Donc, une personne bispirituelle est une personne LGBT et autochtone?
Presque, il manque une étape. Tu pourrais être juste gai et autochtone et faire partie de la communauté gaie, mais il n’y a pas de connexion culturelle ni de connexion spirituelle avec ta communauté autochtone. En plus, comme toute la culture autochtone a été perdue avec le temps, avec l’église et les pensionnats, ils ont créé ce terme, «bispirituel», pour aider les autochtones à reconnecter avec leur culture autochtone.

L’idéologie des bispirituels est: «Tu peux revenir à tes racines et tu as une communauté, d’autres personnes LGBT autochtones, qui vont te soutenir». Ça peut soit être en ramenant les langues traditionnelles dans ta communauté, la politique, les cérémonies, enseigner les danses ou les chants traditionnels, l’artisanat, etc. Pour ma part, j’enseigne la langue mohawk à Kahnawake. Ça fait partie de mes moyens de redonner à ma communauté. Avant, il n’y avait pas vraiment de reconnaissance; tu ne pouvais être LGBT et autochtone et faire des activités autochtones traditionnelles.

«L’idéologie des bi­spirituels est: “Tu peux revenir à tes racines et tu as une communauté, d’autres personnes LGBT autochtones, qui vont te soutenir”.» -Akwiratékha’ Martin, bispirituel de Kahnawake

Est-ce qu’il y a des endroits où les personnes bispirituelles se rencontrent?
Ici, à Montréal et au Québec, pas vraiment, parce qu’il n’y a pas une grosse communauté bispirituelle. Il n’y a pas beaucoup de communautés autochtones, encore moins de personnes LGBT et autochtones.

Mais ailleurs, au Canada et aux États-Unis, il y a des groupes, comme des petites sociétés de bispirituels, qui se sont formés. Tu peux pratiquer ta culture, te sentir connecté aux autres autochtones LGBT qui retournent à leurs traditions; ils veulent faire des cérémonies, être plus spirituels. Je n’y suis jamais allé, mais mes amis m’en ont parlé. En allant dans ces rassemblements, tu te sens alors plus confiant, tu sens que tu as une place dans le monde. Habituellement, la communauté LGBT, si elle te voit comme faible, sans confiance en toi, elle ne veut pas avoir affaire avec toi. C’est ta communauté bispirituelle qui t’aide à rester fort.

Est-ce qu’il manque de places à Montréal pour que vous vous rencontriez?
Je connais certaines personnes bispirituelles, mais en effet, il manque de place pour se rencontrer, il n’y a pas d’endroit sûr (safe space), de centre communautaire, pas d’organisation. Alors, plus souvent, je parle à mes amis par internet. Normalement, dans un groupe, il faut que ce soit dit: «OK, on se rencontre» à telle place, pour parler de telle chose. Parce que ce ne sont pas de simples rencontres, il faut créer un protocole, des règles, une organisation, des événements. Il y a beaucoup de choses à penser quand tu fait partie d’un tel groupe. Sinon, c’est comme un groupe d’employés qui travaillent à différentes places dans la ville. Il n’y a pas de place pour connecter. C’est ce qui manque à Montréal, au Québec. On entend de plus en plus parler des personnes bispirituelles et il y a un grand besoin pour plus d’éducation.

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