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Débat deluxe

Les célébrations de la Fierté se sont enfargées dans un débat sémantique, en début de semaine, alors que le porte-parole de l’événement, Jasmin Roy, a suscité une petite commotion en rejetant l’identité queer, lors d’une entrevue à RDI. «Il faudrait s’arrêter à LGBT» a-t-il affirmé en ondes, ajoutant avoir un «malaise» avec le mot «queer» qu’il juge obscène.

L’organisation Fierté Montréal s’est ensuite excusée, avec raison, des propos de son porte-parole, qui a aussi promis de «faire tous les efforts à l’avenir pour comprendre davantage les personnes d’identité queer». Que Jasmin Roy soit mal à l’aise avec le terme est une chose, mais que le porte-parole d’une organisation censée représenter la diversité sexuelle dans son ensemble en rejette une partie était effectivement problématique.

Cependant, Jasmin Roy n’a pas causé cette friction seul. La semaine précédente, une figure éminente de la lutte pour les droits des minorités sexuelles au Québec, Laurent McCutcheon, publiait dans La Presse une lettre d’opinion intitulée «De LGBT à LGBTIQQA2S, pas facile de s’y retrouver!», qui a aussi suscité un malaise chez certains membres de la communauté.

On peut expliquer une partie de ces tensions par le décalage de plus en plus flagrant qui existe entre les membres les plus privilégiés de la communauté, qui ont gagné la majorité de leurs batailles et qui se retrouvent en situation de domination face aux plus marginaux, les personnes trans, non-binaires, queer, racisées, moins nanties, pour qui il reste encore beaucoup de chemin à parcourir.

Dans une intervention récente à RDI, M. McCutcheon a affirmé qu’il souhaitait que tous puissent exprimer leur opinion dans le respect et a dénoncé l’intolérance de certains membres de la communauté face aux discours qui seraient divergents, comme celui qu’a tenu Jasmin Roy. Voilà qui est sage, mais j’aimerais aussi formuler une autre proposition.

Les personnes qui s’expriment le plus souvent au nom des minorités sexuelles dans les médias jouissent d’une importante crédibilité auprès du public. Cette crédibilité vient avec la responsabilité de comprendre les combats actuels. Dans sa lettre qui se voulait pédagogique, Laurent McCutcheon nous apprenait que les médecins ne pratiquaient plus de mutilations sexuelles sur les bébés au sexe jugé ambigu (ce qui est faux) et dans son intervention à RDI, Jasmin Roy se réjouissait que les jeunes trans puissent changer de mention de sexe «avant l’opération» (alors que «l’opération», terme maladroit, n’était pas l’enjeu du projet de loi 103). Évidemment, on peut tous faire des erreurs, mais la visibilité dont jouissent ces personnes requiert d’elles écoute et humilité.

Ces débats, bien qu’ils soient d’ordre sémantique, ont des répercussions très concrètes sur les membres de la diversité sexuelle. On peut toutefois les mettre en perspective face aux luttes qui sont menées ailleurs. Ce soir, lors de la conférence sur l’homophobie, que j’aurai le plaisir de co-animer avec M. McCutcheon dans le cadre du Forum social mondial, le jeune militant tunisien Ramy Ayari viendra nous parler des risques qu’il court simplement en étant homosexuel. Au Québec, nous avons le luxe de pouvoir nous obstiner sur des mots.

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