National

Indépendance et cognac (1)

Frédéric Bérard

Il y a des sujets «inflammables» qui, une fois entre les mains de quelques politiciens-pyromanes, ne peuvent qu’engendrer des explosions de toutes sortes, notamment celles de l’enflure verbale, du sophisme de l’homme de paille et de la manipulation des faits. Les questions de droit à l’indépendance, indubitablement, en font (malheureusement­) partie.

C’est dans cet esprit de désolation que j’ai pris connaissance des propos déconnectés tenus par divers médias et politiques à la suite de la contestation par Ottawa de la loi 99, adoptée jadis par l’Assemblée nationale. Constitutionnelle, la sécession unilatérale?

On croirait entendre la même cassette que dans les années 1970-1990, usée à la corde et, surtout, démentie par l’état du droit applicable. Retour vers le futur.

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En août 1998, la Cour suprême rend ce qui constitue, au sens de plusieurs, la décision la plus importante de son histoire: les règles afférentes à la sécession québécoise. Elle a alors à répondre à trois questions: 1) Québec peut-il, en vertu du droit interne, procéder à la sécession unilatérale? 2) Qu’en est-il du droit international? 3) En cas de conflit entre les deux droits, lequel aurait préséance?

Évidemment, plusieurs avaient alors flairé le piège d’Ottawa, la question étant manifestement rédigée afin de forcer une réponse par la négative, rien dans la Constitution canadienne ou dans le droit international ne pouvant suggérer le contraire. Patate. À la surprise générale, la Cour suprême devait déjouer les pronostics et adopter une posture équilibrée, porteuse, juste et équitable. Suggérant de fusionner les principes constitutionnels sous-jacents de démocratie, de primauté du droit, de fédéralisme et de protection des minorités, elle détermine que ceux-ci sont de valeur équivalente, et doivent être analysés de manière symbiotique. Une démocratie sans État de droit serait bien pauvre, nous dit-elle. Idem pour l’inverse, c’est-à-dire un État de droit qui ferait fi de la volonté démocratique de la nation (pensons Catalogne). Deux positions, par conséquent, devront être adoptées.

D’abord, l’interdiction pour Québec de procéder à la sécession unilatérale (soit de partir en bandit). Ensuite, l’obligation pour Ottawa et les autres provinces de négocier de bonne foi la sécession québécoise, une fois une volonté claire témoignée.

Ainsi, contre toute attente, la cour en est venue à dénouer le nœud gordien, au point où les ténors souverainistes, les Bouchard, Parizeau et Landry, ont applaudi ladite décision, qualifiant même le fédéral «d’arroseur arrosé». L’obligation de négocier était en quelque sorte devenue la meilleure invention depuis l’eau chaude, constat d’ailleurs partagé ensuite par Londres et Édimbourg, qui devaient mettre (a priori) cette même obligation au cœur du processus référendaire écossais avec un succès processuel remarquable.

Morale de l’histoire? Une décision d’un tribunal n’est pas un buffet chinois. Impossible de se bourrer la face uniquement des trucs qu’on préfère, délaissant les cossins qu’on aime moins.

Or, lorsque la cour parle d’une obligation de négocier, celle-ci se veut nécessairement… réciproque. Conséquence? Non, la sécession dite unilatérale ne peut être légalement permise.

***

Dans de prochaines chroniques, il sera question de la formule d’amendement applicable et, plus intéressant encore, de l’état du droit à l’autodétermination en droit international. On se prend d’ici là une (grosse) gorgée de cognac et on arrête cette méprisable manie d’instrumentaliser le droit au nom de la politicaillerie.

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