En matière de COVID-19, plus les inégalités de revenu sont importantes, et plus la mortalité grimpe, montre une étude dirigée par l’Université McGill. Et plus les gens font confiance à leurs institutions publiques, moins ils meurent du virus.
Cette étude, publiée dans la revue Social Science & Medicine a été menée dans 84 pays sur une période de 30 jours. Dans un premier temps, son auteur principal Frank Elgar y établit un lien entre l’existence d’importantes inégalités de revenu et le nombre de décès liés à la COVID‑19.
«Les pays où l’écart entre les riches et les pauvres est plus marqué, comme les États-Unis, la Russie et le Brésil, enregistrent un plus grand nombre de décès liés à la pandémie.» – Frank Elgar
Selon le professeur à l’Université McGill, cela pourrait s’expliquer par le fait que les employés à faible revenu ont été davantage exposés au virus. Ils peuvent en outre avoir eu un accès limité aux services de santé.
Selon lui, il est également difficile de pratiquer la distanciation sociale dans de nombreux métiers à bas salaire. Comme dans le commerce au détail, les transports en commun ou encore les soins de santé.
La COVID-19 et le sentiment de confiance
Dans un second temps, l’étude observe moins de décès parmi les groupes qui font davantage confiance aux institutions publiques. Plus les groupes s’impliquent dans la société, plus ils respectent les consignes, selon l’étude.
Ces corrélations, qui se font écho, ne surprennent pas la sociologue Stéphanie Gaudet. Pour elle, quand on vit dans un pays où il y a de fortes inégalités sociales, la confiance envers l’État va être moins grande.
«On le voit bien si l’on compare les États-Unis et le Canada», explique celle qui enseigne à l’Université d’Ottawa.
L’étude observe également un autre phénomène «très intéressant», dit-elle. Soit un renforcement des comportements à risque pour la santé chez les groupes très soudés. Probablement par mimétisme social, selon l’étude.
Ces groupes peuvent alors apparaître comme plus mal informés que les autres sur la gravité de la COVID-19. Mais aussi avoir tendance à recourir à de faux remèdes. Ou encore à adopter une attitude méprisante à l’égard de la distanciation physique.
Selon la sociologue, cela démontre bien que le capital social, d’ordinaire associé à des idées positives (l’entraide, la confiance, etc.) peut parfois se révéler négatif. Le meilleur exemple reste celui des complotistes.
«D’une certaine façon, [les complotistes] parviennent à créer du capital social, provoquer l’adhésion des gens, tisser des liens de confiance. Mais les impacts sont négatifs.» -Stéphanie Gaudet
D’ailleurs, plus les liens sont forts et fermés sur les autres, moins on a accès à des sources d’informations diversifiées, ajoute la sociologue. «Les réseaux sociaux ne font qu’accroître cette réalité», dit-elle.
Les leçons à tirer pour les gouvernements
«La première leçon c’est de développer des politiques sociales pour contrer les inégalités, explique Stéphanie Gaudet. C’est souvent un argument qu’ils rejettent mais les inégalités ont des conséquences sur la santé générale de la population.»
Il est aussi nécessaire de créer un lien de confiance avec la population. «Pas seulement au moment des élections», estime la sociologue.
Finalement, comprendre comment briser les cercles fermés (comme ceux des complotistes) est important.
«Les gouvernements doivent comprendre comment franchir ces murs-là en matière de transmission d’informations», dit Mme Gaudet.
Même conclusion du côté du professeur Elgar.
«Dans un contexte de pandémie, où chacun doit prendre ses distances, il peut être préjudiciable de vouer une confiance aveugle à autrui», conclut le professeur.