Les jeunes sont plus nombreux à s’opposer à la charte des valeurs québécoises, d’après les sondages réalisés jusqu’à présent. Le dernier en date, celui de SOM/Radio-Canada, rapporte que la proportion des jeunes âgés de 18 à 24 ans, qui se disent à l’aise avec le port de signes religieux (la croix, le voile et la kippa) est plus importante par rapport aux autres groupes d’âge. L’adjoint parlementaire à la première ministre pour la jeunesse, Léo Bureau-Blouin, a tenté d’expliquer ce clivage générationnel.
Pourquoi les jeunes n’adhèrent pas au projet de charte des valeurs québécoises?
Mon hypothèse est qu’en tant que jeune, nous n’avons pas la même relation à l’égard de la religion. Par exemple, si on prend nos grands-parents, ils se faisaient dire quand avoir des enfants et quoi faire par le clergé. Donc, nos parents ont vécu cela difficilement. À la suite de la Révolution tranquille, ils se sont libérés de la religion et l’ont rejetée en bloc.
Durant la majorité de ma vie, j’ai fréquenté des commissions scolaires linguistiques et non confessionnelles. Je n’ai jamais eu de religieux comme enseignant. En tant que jeune, on peut parfois avoir l’impression que la religion ne représente pas un défi de société, mais il faut quand même s’en préoccuper. À l’heure actuelle, avec les politiques en immigration, il y a 50 000 immigrants qui arrivent chaque année au Québec, dont près de 20 000 jeunes. Le portrait de la jeunesse québécoise va considérablement se modifier au cours des prochaines années. À l’heure actuelle, à Montréal, il y a près de 40% des jeunes qui sont nés à l’étranger.
Les jeunes sont à l’aise avec les personnes qui portent des signes religieux. Pourquoi faut-il les interdir?
Aujourd’hui, c’est une petite portion des gens de la fonction publique qui portent des signes religieux visibles. Si la tendance se maintient, cette proportion est appelée à croître, notamment en raison d’une politique d’embauche du gouvernement du Québec, selon laquelle, une personne sur quatre doit provenir des communautés culturelles. Si on ne veut pas perdre cette force qui est la nôtre, c’est-à-dire que les différentes institutions soient accueillantes à l’égard de toutes les religions, il faut que la neutralité prenne toute sa forme.
Vous dites que le Québec doit être accueillant à l’égard de toutes les religions. En conservant le crucifix à l’Assemblée nationale, Québec n’envoit-il pas un signal contradictoire?
Pour une partie importante de la population, particulièrement nos aînés, le crucifix est un symbole important de l’histoire du Québec. Je peux le comprendre et je le respecte. Dans ce processus vers la laïcité, il faut y aller par étape.
Est-ce à dire que le crucifix ne sera pas enlevé à cette étape-ci, mais qu’il pourrait l’être ultérieurement?
Oui. Le débat de société n’est pas terminé.
Comment rassembler les générations autour de la charte des valeurs québécoises?
Il faut que les jeunes se fassent entendre dans ce débat et qu’ils échangent avec les autres générations. On a mis sur pied un site web (www.nosvaleurs.gouv.qc.ca) pour que les gens puissent commenter. Il va y avoir le projet de loi et des audiences parlementaires. Ça peut être l’occasion d’avoir un dialogue intergénérationnel. Ce sera un grand défi du Québec des prochaines années en raison du vieillissement de la population et de la diminution de la proportion de jeunes.
Est-ce que le droit de retrait sera suffisant pour satisfaire toutes les générations?
Pour être bien honnête, je ne sais pas comment se terminera le projet. Il y a plusieurs étapes qui séparent ce projet de son adoption. Je ne veux pas m’avancer sur ce qui pourrait hypothétiquement être ajouté. La plus belle démonstration de bonne foi, c’est le fait d’avoir déposer des orientations plutôt qu’un projet de loi au départ. Il y a une volonté de discussion.
Dans votre circonscription de Laval-des-Rapides, il y a beaucoup de communautés culturelles. Près de 20% de vos citoyens ne sont pas nés au Québec et n’ont ni le français, ni l’anglais comme langue maternelle. Quelle est la réponse de vos citoyens à la cette charte?
Il y a une semaine, j’ai effectué un exercice de consultation. Il y avait des gens qui étaient en faveur et d’autres en défaveur. C’était à l’image de la société québécoise finalement. Autant il y a eu des femmes de confession musulmane qui ont partagé leur désaccord au projet, autant il y a eu des nouveaux arrivants avec une religion autre que l’islam qui approuvaient le projet et qui voyaient là le désir d’un État d’être neutre. C’est un débat où les gens ne sont pas unanimes. C’est important qu’on discute. Ce n’est pas parce qu’on ne débat pas de quelque chose que la problématique cesse d’exister.
Est-ce que ce débat va devenir un débat électoral?
Il est trop tôt pour le dire. La première ministre a dit qu’il y a encore beaucoup de travail à faire.