OTTAWA – La Cour suprême du Canada a refusé d’entendre l’appel de Guy Turcotte: il devra bel et bien subir un nouveau procès pour avoir enlevé la vie de ses deux enfants en 2009.
Il risque maintenant d’être condamné criminellement pour meurtre et d’aboutir au pénitencier.
Le plus haut tribunal du pays a fait savoir jeudi qu’il n’allait pas entendre l’appel du cardiologue de St-Jérôme qui cherchait à faire renverser le jugement de la Cour d’appel ayant ordonné un nouveau procès.
En 2011, Guy Turcotte avait été jugé criminellement non responsable pour cause de troubles mentaux pour les meurtres d’Anne-Sophie, trois ans, et Olivier, cinq ans.
À l’issue de ce verdict, il avait été confié à l’institut psychiatrique Philippe-Pinel, à Montréal, et avait recouvré une liberté complète en décembre 2012. Sa libération avait soulevé un tollé, des manifestations citoyennes ayant eu lieu un peu partout au Québec.
La mère des deux victimes, Isabelle Gaston, a reçu la nouvelle de la décision de la Cour suprême avec des émotions partagées.
«Je me suis réjouie pour à peu près 10 minutes, jusqu’à ce que je réalise mentalement tout l’effort et tout le supplice que je devrai, moi, et tous les autres témoins, repasser au travers��, a-t-elle confié en entrevue à La Presse Canadienne.
Elle se dit somme toute satisfaite mais entrevoit le futur procès avec inquiétude et anxiété.
«Ça demande un effort mental mais en même temps, une violence, des images qui viennent sans avertissement», a-t-elle commenté. Elle craint de rouvrir ses plaies, ajoute-t-elle.
«Olivier, Anne-Sophie, je m’attends à ce qu’il y ait une justice pour eux. Si on peut parler de justice», a-t-elle ajouté, avec découragement. Mais il ne pourra pas y en avoir, a-t-elle laissé tomber avec fatalisme au sujet de ses deux enfants assassinés.
Le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) s’est déclaré pour sa part satisfait de la décision de la Cour suprême.
«Le procureur responsable du dossier poursuit sa préparation en vue du nouveau procès», a déclaré Jean-Pascal Boucher, porte-parole du DPCP.
Après le verdict de non-responsabilité criminelle de 2011, la Cour d’appel du Québec avait renversé cette décision en novembre dernier.
Les trois magistrats de la Cour avaient déterminé que le juge de première instance avait erré dans ses instructions au jury, notamment quant à l’évaluation de l’impact de la consommation de méthanol de Turcotte sur sa capacité de comprendre ses gestes au moment du drame. Dans un contexte de séparation d’avec sa conjointe Isabelle Gaston, l’homme affirmait avoir bu du lave-glace pour s’enlever la vie.
L’annulation du verdict de non-responsabilité criminelle par la Cour d’appel avait entraîné la remise en état d’arrestation de Guy Turcotte.
Aucune date n’avait été fixée pour la tenue du nouveau procès puisque la Cour suprême devait être saisie de la demande d’autorisation d’appel de Guy Turcotte.
Il ne pourra vraisemblablement subir de nouveau procès avant mars 2015, soit plus de six ans après les événements. Le juge de la Cour supérieure saisi de l’affaire ayant déjà expliqué qu’il n’y avait aucune disponibilité avant cette date.
Les procureurs doivent maintenant se présenter au palais de justice de St-Jérôme le 4 avril prochain. Le DPCP se dit prêt à procéder.
Si Guy Turcotte est reconnu coupable, Isabelle Gaston affirme que cela pourrait l’aider à faire le deuil de ses enfants.
Mais elle ne sait pas encore si elle aura la force d’assister au procès.
Après le cas de Guy Turcotte et celui de Vince Li — qui a décapité un passager dans un autobus en 2008 — le gouvernement fédéral a fait adopter aux Communes une loi qui rendra plus difficile la remise en liberté des personnes jugées non criminellement responsables de leurs actes pour cause de troubles mentaux.