Dans un hôpital, une dame est tombée de sa civière et s’est cassé un orteil. Qu’en pense le ministre de la Santé et que va-t-il faire pour corriger la situation?
Ça semble ridicule de se tourner immédiatement vers le ministre pour une telle broutille. Pourtant, c’est le réflexe que nous avons trop souvent: nous tourner vers nos dirigeants politiques pour obtenir réponse à tout. Quand nos médias insistent pour que les ministres s’expliquent au sujet du moindre détail sur tous les dossiers, ils sous-entendent que ce sont eux qui sont derrière ces décisions. Mais le ministre est censé donner les grandes orientations et laisser aux décideurs intermédiaires, aux cadres, aux directeurs des hôpitaux et des autres institutions la tâche de la gestion quotidienne.
C’est la logique derrière la décentralisation de certaines fonctions de l’État: on donne la responsabilité de gérer un service public à une entité autonome du ministère, car elle détient l’expertise nécessaire pour le faire. Depuis 20 ans, on observe un appel généralisé à la décentralisation des États à l’échelle mondiale. Le premier ministre Philippe Couillard en faisait d’ailleurs la promotion en 2011, avant son retour en politique.
Aujourd’hui, le projet de loi 10 de réforme du système de santé va dans le sens opposé. En abolissant des paliers intermédiaires de gestion des services, en donnant au ministre le pouvoir de nommer lui-même tous les PDG des établissements et leurs adjoints, ainsi que tous les membres des conseils d’administration des établissements, en coupant certains des dispositifs de participation citoyenne, le projet de loi concentre le pouvoir entre les mains du ministère tout en déresponsabilisant les autres acteurs du système de santé.
La démarche du ministre Barrette sous-estime l’importance des nombreux acteurs qui font fonctionner le système de santé pour implanter de tels changements. En effet, l’ensemble du système a manifesté son désaccord dans le cadre de la commission d’examen du projet de loi. Ce désaccord est-il motivé par une résistance au changement? Peut-être. Mais on peut aussi faire le pari que les acteurs du système de santé – qui gèrent et assurent les services de santé au quotidien – connaissent bien le dossier. Le ministre compte-t-il les écouter?
Le gouvernement a également annoncé son intention d’abolir les Conférences régionales des élus et d’enlever l’obligation pour les villes d’avoir des Centres locaux de développement. Leur disparition doit permettre au gouvernement de faire des économies. La comptabilité s’en portera peut-être mieux à court terme. Mais jusqu’à présent, le gouvernement n’a pas expliqué comment il compte combler ce vide et canaliser les énergies qui sont actuellement rassemblées dans ces espaces de concertation.
Contrairement à ce qu’on peut croire, le rôle d’un élu n’est pas de maintenir sa position avec entêtement, envers et contre tous. Un gouvernement doit donner les orientations et inspirer l’action. Ça s’appelle du leadership.
Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.