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Chasser des fantômes avec maturité

Depuis que le réalisateur Paul Feig a annoncé en janvier 2015 que la prochaine équipe chargée de chasser les fantômes dans Ghostbusters serait exclusivement féminine, des hordes de fans furieux s’énervent sur l’Internet. La bande-annonce de cette troisième mouture du film culte des années 80 a été la plus boudée de toute l’histoire de YouTube, avec près d’un million de pouces vers le bas. Et avant même que le film ne soit diffusé, des milliers de commentateurs callaient l’évaluation vers le bas sur les forums de critique en ligne comme IMDB. Serait-ce la misogynie à l’œuvre? Comment savoir!?!

Une rapide analyse de ces votes populaires sur IMDB nous montre qu’une majorité d’hommes (15745 au moment d’écrire ces lignes) s’est exprimé sur l’œuvre, contre le quart de femmes, et ceux-ci ont donné au film une moyenne de 4,3/10, contre 8/10 pour les femmes. Sur Internet, on peut recenser plusieurs tentatives d’explication de cet écart, chacune d’entre elles pouvant être facilement démontée :

L’hypothèse la plus probable à ce jour est que des hommes en colère sabotent de manière passive-agressive l’évaluation de cette version féminine de Ghostbusters, un phénomène relativement banal, que le journaliste Mike Hickey a analysé en long et en large dans les évaluations télé pour le site de journalisme de données fivethirtyeight. Ses observations démontrent que lorsqu’une œuvre culturelle s’adresse en majorité aux femmes, les hommes tendent à en couler l’évaluation, ce qui n’est pas le cas des évaluations féminines d’œuvres s’adressant à un public masculin. Le terme «féministes frustrées» est éculé. À la lumière de cette analyse, il serait temps de parler de masculinistes frustrés qui tentent par tous les moyens de saboter la présence féminine à l’écran et de maintenir un ordre des choses qui les valorise.

Un autre commentaire lu à plusieurs reprises est que les hommes sont particulièrement fâchés qu’on ait saboté «leur œuvre». Pourtant, la première version de Ghostbusters parue en 1984 est évaluée équitablement entre hommes et femmes, de même que la seconde. J’avais six ans quand cette deuxième version est sortie en 1989, et cette photo démontre que j’étais une féroce fan des chasseurs de fantômes :

Cette histoire de savants aventuriers qui s’attaquent à des créatures surnaturelles et qui culmine par un gigantesque bonhomme Pillsbury dominant New York éveille ma nostalgie au même titre que ces messieurs et je ne vois pas en quoi il s’agirait de «leur œuvre». Les gars ont peut-être l’impression de se faire enlever quelque chose. Quelque chose que les filles n’ont jamais eu! Je suis donc allée voir Ghostbusters par nostalgie, comme tout le monde, mais surtout parce que j’y retrouverais Melissa McCarthy, Kristen Wiig, Kate McKinnon et Leslie Jones.

Mon verdict: une excellente comédie d’été qui ne révolutionne pas plus le genre que bien d’autres. Pour le reste, on peut respirer par le nez, c’est tout de même rien qu’une comédie. Mais surtout, rappelons-nous que l’histoire parle de fantômes et se termine par un gros monstre soufflé : c’est un film pour enfants. Et parlant d’enfants: après avoir vu cette photo, venez nous dire que c’est une mauvaise chose, un Ghostbusters féminin.

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