Appliquer mon habituel esprit critique sur un documentaire aussi personnel que Bye me semble impossible après mon visionnement.
Après l’effort massif de Radio-Canada pour mettre en vedette cette démarche d’Alexandre Taillefer à la suite du suicide de son fils Thomas, c’est avec les yeux barbouillés de larmes que je tentais de prendre un certain recul afin de cogiter ce documentaire d’une heure sur la cyberdépendance et la détresse psychologique des adolescents.
Prendre une distance est improbable ici dans la mesure où on ne peut pas rationaliser la mort d’un enfant. On ne peut pas critiquer la démarche d’un père qui tente d’éviter ce deuil à d’autres parents quand il nous présente, avec une étonnante humilité, un pan de sa vie difficile à partager parce qu’il croit que c’est la chose à faire pour atteindre le plus de monde possible. S’attarder aux détails techniques d’un tel documentaire serait malhonnête.
Critiquer Alexandre Taillefer qui fait la ronde des médias le jour du deuxième anniversaire de la mort de son fils, ça ne serait pas honnête et, de toute façon, ce n’est pas ce que m’inspire cette proposition qu’est Bye.
J’ai plutôt envie de vous inviter à le visionner et d’écouter les réponses des jeunes quand ils parlent de leurs problèmes. Regarder le non verbal, prenez le temps d’observer sans juger leur quotidien au lieu de bêtement faire la chasse aux sorcières aux jeux vidéo et à la vie devant les écrans. Le documentaire traite de la cyberdépendance, il faut se le rappeler, et ne condamne pas systématiquement tout ce qui se passe dans le monde virtuel.
C’est une distinction importante à faire entre la passion pour les jeux vidéo, par exemple, et la dépendance. Un peut devenir un mode de vie créatif et productif et l’autre, comme la dépendance aux substances, par exemple, obscurcit tout le reste.
L’approche de Bye n’est pas sans faute, mais elle touche les bonnes cordes. Alexandre Taillefer, le père de famille derrière l’homme d’affaires aux mille tribunes, s’expose afin de toucher à son tour des jeunes comme il aurait souhaité sans doute le faire avec son propre fils avant l’irréparable. Une scène particulièrement poignante où il discute avec un jeune qui lui présente la lettre de suicide qu’il avait rédigé pour ses parents illustre bien ce qu’un père qui a perdu son fils aurait aimé pouvoir lui dire avant l’irréversible.
Lors des quelques moments intimes avec Taillefer qui répond aux questions de Jean-Philippe Dion hors cadre, on est laissé à nous-mêmes devant un père de famille résilient qui, malgré un amour indéniable de la vie, ne peut plus faire comme avant. Cette urgence d’aider, de prévenir, d’écouter, elle s’alimente forcément dans ce deuil.
C’est puissant comme motivation, autant pour Alexandre Taillefer qui alimente ce projet que pour le public qui le reçoit. Cette inévitable fatalité, elle frappe le téléspectateur de plein de fouet.
Ça apporte une puissance au documentaire, une force séductrice pour qu’on écoute la détresse psychologique au lieu de l’écarter du revers de la main avec des insultes et des jugements.
Bye est un film utile, nécessaire, mais surtout une proposition humaine et touchante.
Merci Alexandre Taillefer, tout simplement merci.