Fine pédagogue, Zab Maboungou souligne 30 ans de chorégraphies et autant d’années de lutte pour faire reconnaître sa compagnie par le gouvernement québécois.
«Tout ce qui se trouve dans les locaux, nous l’avons fait de nos propres mains», s’exclame fièrement Zab Maboungou en nous accueillant dans ses studios sur le boulevard Saint-Laurent. Pleine de fougue, elle vient tout juste de revenir du Festival Arts Everywhere, à Guelph, en Ontario, où elle a présenté son œuvre Wamunzo.
D’origine congolaise et française, la professeure donne des cours de danse contemporaine africaine dans ce local depuis les années 1980. Sa technique Lokéto, inspirée entre autres des répertoires de l’Afrique centrale, met l’accent sur l’ancrage du bassin et des jambes. «Le haut se déploie sur la force du bas du corps», résume-t-elle. Ouvertes à tous, les leçons s’adressent aux personnes qui cherchent à peaufiner leur mobilité pour s’adonner à la danse, aux arts martiaux ou à tout autre sport.
La chorégraphe d’une vingtaine de pièces a fait de l’inclusion des artistes issus des minorités culturelles son cheval de bataille. «L’art de Nyata Nyata était considéré comme traditionnel, parce que les institutions publiques ne voyaient pas comment je pouvais faire de la danse contemporaine avec des tambours africains. Il a fallu se battre pour entrer dans les institutions», déclare-t-elle.
«Je ne sais pas comment on peut penser que je suis si exotique, parce que sans l’Afrique, je ne vois pas ce que l’Amérique serait. Le continent s’est bâti sur le travail des Noirs, et la musique moderne, sur la musique africaine. La controverse SLAV/Kanata a soulevé le problème : cette culture est là depuis longtemps, mais demeure totalement ignorée.» –Zab Maboungou, danseuse, chorégraphe et fondatrice de Nyata Nyata.
Ses efforts ont été fructueux. Zab Maboungou est la première chorégraphe et danseuse d’origine africaine à recevoir des bourses des Conseils des arts du Canada et du Québec. De plus, le ministère du Patrimoine canadien finance un programme de formation en danse africaine, l’un des seuls du genre en Amérique du Nord.
Parents pauvres du spectacle
En 2015, l’artiste est aussi devenue la première lauréate du Prix de la diversité culturelle en danse décerné par le Conseil des arts de Montréal (CAM). Une distinction a toujours, selon elle, une dimension d’exclusion: «C’est de la politique. Ce sont finalement toujours les Québécois blancs qui reconnaissent la diversité, déplore-t-elle. Il faudrait donner le Grand Prix de la danse à un membre d’une minorité culturelle pour montrer une véritable intégration.»
Malgré sa renommée internationale, Nyata Nyata demeure l’une des troupes de danse les moins subventionnées par le Conseil des arts et lettres du Québec (CALQ). D’autres organismes artistiques connaissent les mêmes difficultés avec l’institution.
Selon un communiqué, Teesri Duniya Theatre et Festival Accès Asie ont vu leurs demandes refusées à 100 %, alors que Sinha Danse a vu son financement réduit de 25 % à 50 %. Le Black Theatre Workshop n’a quant à lui pas vu son enveloppe augmenter. Plusieurs des signataires disent ne plus prendre la peine de déposer une candidature à la suite de nombreux refus.
En réponse aux déclarations des artistes, l’organisation a indiqué dans un communiqué que «56 % des organismes identifiés à la diversité ont connu une hausse de leur subvention ou ont obtenu un premier soutien pour accomplir leur mission. Ce ratio est supérieur à celui (44 %) de l’ensemble du bassin d’organismes évalués».
Le CALQ a précédemment publié un plan d’action pour la diversité culturelle qui s’échelonne de 2016 à 2019. Il soutient dans un premier bilan, en novembre dernier, que «16 % des membres des comités et jurys sont maintenant issus de la diversité culturelle».
Zab Maboungou espère que sa compagnie et son désir de transmettre la danse sous toutes les couleurs lui survivra. «Il faut inclure cette éducation dans le développement du Québec, car il n’existe pas de meilleur avancement pour une société que la découverte de différentes façons de se mouvoir, d’être, et d’aimer», estime-t-elle.