Culture

Cirque: haute voltige en série

Où vont les fleurs? sera présenté du 29 mai au 9 juin à la Tohu.

Marie-Lise Rousseau - Métro

Quoi de plus rassembleur que la télévision? «Tout le monde est addict aux séries!» lance le metteur en scène Alain Francœur. C’est pourquoi le spectacle des finissants de l’École nationale de cirque Où vont les fleurs? transpose dans l’arène les codes du petit écran, abordant au passage les relations de pouvoir.

Sur un pan de mur de l’École, où des extraits d’Où vont les fleurs? ont été présentés devant quelques journalistes, se trouve un grand tableau sur lequel sont énumérés différents thèmes abordés dans les fictions télévisées.

En compagnie des 26 finissants de la formation supérieure de l’École et de son assistante à la mise en scène Marie-Josée Gauthier, Alain Francœur a décortiqué les intrigues de séries populaires. «On s’est inspiré des séries qu’on connaît, puis après, on s’en est distancié pour créer notre propre univers», explique-t-il

Les amateurs de séries télé reconnaîtront tout de même certaines références : ici une policière enceinte comme dans Fargo, là des éléments rappelant l’univers onirique de David Lynch, donne en exemple Alain Francœur.

L’exercice, «assez rigolo», a permis de scénariser le spectacle constitué de 9 épisodes d’une durée de 4 à 12 minutes, chacun précédé d’un thème d’ouverture.

Lors de notre passage à l’École, trois extraits d’épisodes très différents les uns des autres ont été présentés. On y a vu un numéro sur cordes lisses, de la roue allemande et du monocycle, notamment.

Outre les prouesses franchement épatantes des jeunes circassiens, deux constats s’imposent.

D’abord la multi­disciplinarité du spectacle. En seulement une dizaine de minutes, non seulement les interprètes ont-ils réalisé des acrobaties et dansé – le tout en se glissant dans la peau de personnages –, mais ils ont également chanté et joué de la guitare électrique.

«Et ça, c’est rien! s’exclame Alain Francœur. Il y a des situations encore plus théâtrales que ce qu’on a vu. Il y a plusieurs niveaux de jeu dans le spectacle, différentes approches, presque sur le bord du dessin animé.»

Cette multidisciplinarité est au cœur de la démarche du metteur en scène, dont la polyvalence l’a amené au fil des ans à travailler en danse, au théâtre et en cirque, tant comme acteur et danseur que comme chorégraphe. «C’est mon approche de la scène. Tout un pan de mon travail s’est développé par le multidisciplinaire. Quand j’arrive ici, mon objectif est aussi d’utiliser les forces de chacun et les mettre de l’avant.»

Deuxième constat : la trame sonore est particulièrement diversifiée. En trois extraits, on a eu droit à autant d’ambiances musicales, passant du métal à la pop franco, avec en prime une version live de One de U2.

Et il semble qu’on n’ait encore rien vu : «Il y a du chant grégorien en ouverture, de la musique classique, de la chanson française… Comme dans une série, on est toujours accompagné d’un univers sonore», indique Alain Francœur, précisant que la musique est un «personnage qui accompagne le tout».

Alain Francoeur, le metteur en scène du spectacle Où vont les fleurs ?

«Aujourd’hui, le cirque contemporain demande une polyvalence des interprètes»
– Alain Francœur, metteur en scène

Et les fleurs dans tout ça, où sont-elles (et où vont-elles)? Le titre du spectacle est en fait emprunté à une chanson de Marlene Dietrich qui parle de la guerre. «C’est comme un perpétuel recommencement : l’homme n’apprend pas et recommence», avance le metteur en scène.

Les relations humaines, tout particulièrement les rapports de pouvoir, sont traitées dans Où vont les fleurs. «Avec ses différents tableaux, le spectacle veut mettre de l’avant la réalité dans laquelle on vit. On a un mur, deux espaces de hiérarchie qu’on casse à la fin, qu’on peut interpréter comme une manifestation, comme de l’entraide, comme le mur de Berlin qui se défait ou encore comme le mur qu’on veut ériger entre les États-Unis et le Mexique.»

C’est la deuxième fois qu’Alain Francœur met en scène un spectacle des finissants de l’École nationale de cirque de Montréal. «J’aime leur investissement, j’aime leurs personnalités… Ils sont bons!» s’enthousiasme-t-il au sujet des 26 jeunes circassiens qui se sont également investis dans la conception de l’œuvre.

Véritable tradition, ce spectacle est un rite de passage pour ces acrobates d’ici et d’ailleurs, qui feront ensuite le saut périlleux vers les grandes troupes professionnelles.

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