Le cinéaste Mike Leigh souligne le 200e anniversaire du massacre de Peterloo en y consacrant un film.
Le 16 août 1819, 60 000 personnes défilent pacifiquement dans les rues de Manchester, en Angleterre, afin de demander la réforme du système parlementaire et d’obtenir plus de droits. À l’époque, seulement 2 % de la population peut voter. Les manifestants sont accueillis violemment par les autorités, le bilan se chiffrant à 15 morts et 700 blessés.
«J’ai grandi pas loin de l’endroit où s’est déroulée cette tragédie et je n’en avais jamais entendu parler à l’école, lance au bout du fil le cinéaste britannique. C’est incroyable, n’est-ce pas? C’est pourtant un événement d’une importance primordiale.»
Un moment décisif où la capacité de solidarité humaine a ultimement apporté une amélioration à long terme des conditions de vie, nous rappelant la nécessité de lutter au quotidien.
«On tient la démocratie pour acquise, estime le réalisateur de 73 ans. Mais quand elle est neutralisée comme en Allemagne en 1933, aux États-Unis en 2016 et au Royaume-Uni avec le Brexit, c’est l’ignorance et la paranoïa qui s’expriment. Ce qui en ressort n’est jamais positif.»
«C’est important d’être du côté de ceux qui sont moins privilégiés et d’être critique envers ceux qui ont le pouvoir, qui enlèvent des droits aux autres.» Mike Leigh, cinéaste adepte de films sociaux
Comme dans son précédent Mr. Turner, Mike Leigh demeure dans le long métrage historique. Cela ne semble toutefois pas plus difficile pour lui d’utiliser sa méthode d’improvisation avec ses comédiens – qui cherchent les actions et les dialogues au cours de répétitions – que dans un récit contemporain et domestique comme Another Year.
«Les archives sont retraçables et des gens de l’époque ont témoigné en cour de ce qu’ils ont vu et vécu cette journée-là, souligne celui qui a remporté une Palme d’Or avec Secret & Lies. Les acteurs ont ainsi pu intégrer de façon naturelle et organique leurs recherches au sein du processus d’improvisation.»
C’est cependant la première fois que le créateur du mythique Naked ne s’intéresse pas à un ou à quelques individus en particulier, préférant ici le groupe au sein d’une trame narrative rappelant celle de Selma, qui passe du dialogue à l’action, de l’intime à l’épique.
«C’était la seule façon de traiter des différentes factions, des plus basses aux plus élevées, pour qu’on comprenne les enjeux et qu’on s’investisse dans les personnages», révèle son scénariste.
Malgré une carrière qui s’étend sur près d’un demi-siècle, le metteur en scène derrière Topsy-Turvy et Vera Drake n’a pas fini de puiser dans son quotidien pour trouver l’inspiration, même aux endroits les plus insoupçonnés.
«Au moment où je vous parle, je regarde par la fenêtre et j’aperçois plein de gens qui déambulent dans Central Park. Inévitablement, ça nourrit mon subconscient, qui y voit là plusieurs possibilités, confie Mike Leigh. Certains réalisateurs choisissent leurs sujets en partant d’une prémisse précise, comme un vol de banque. Pour moi, je dois me connecter aux autres, à ce qu’ils vivent.»
Peterloo
En salle dès vendredi