Culture

François Pérusse, fondamentalement progressif

François Pérusse

En attendant le vaccin qui nous permettra, bientôt on l’espère, de reprendre un semblant de vie normale, François Pérusse nous offre le parfait remède contre la déprime et la solitude : un nouvel Album du peuple. Sur ce Tome XI, il pose un regard (et un son) unique sur les travers de la société tout en révélant son amour pour le rock progressif.

«Je le souhaite tellement!» lance François Pérusse lorsqu’on lui demande s’il est conscient que cet album risque de faire beaucoup de bien à beaucoup de gens.

Depuis le confinement de mars, le célèbre humoriste ne compte plus les messages le suppliant de sortir du nouveau matériel. «Fais un sketch pour nous remonter le moral.» «Sors un album, c’est le temps!» ont demandé d’inconditionnels admirateurs au père de Clément Bisson, Jean-Charles et Clépétar.

«J’ai trouvé ça très touchant, je me suis senti utile», raconte le sympathique humoriste.

On les remercie chaleureusement, car c’est grâce à ces fidèles fans si François Pérusse s’est attelé à la tâche et a pondu son 15e album, le Tome XI – «C’est le 15e, mais ça va être le Tome XI», explique-t-il dans l’intro.

En un temps record de six mois, Pérusse a écrit, composé, enregistré et assemblé plus d’une heure de blagues. Le résultat est un Album du peuple dans l’air du temps et collé à l’actualité, comme en font foi ses allusions aux vidéoconférences, aux conspirationnistes et aux élections américaines ainsi que la chanson Deuxième vague.

À travers ses sketchs et ses chansons, François Pérusse pose un regard critique sur le monde d’aujourd’hui. «Sans tout démolir d’un coup, philosophe-t-il, parce que, quelque part, on devait en arriver là.»

C’est-à-dire? «J’ai toujours dit : quand l’humanité progresse, c’est avec tous les problèmes que ça crée. On a inventé les avions et voilà qu’on est en train de démolir la planète avec ça! L’être humain est l’être humain, on ne peut pas l’empêcher d’être ce qu’il est. Sur les réseaux sociaux, il y a autant de poison qu’il y a de bon. On est dans un système qu’on a créé nous-mêmes et on essaie de composer avec les effets de tout ça.»

L’humoriste fait aussi allusion à une autre forme de «progrès» sur son album, soit le rock progressif, genre musical tombé dans l’oubli qu’il a toujours affectionné. «Personne n’est assez fou pour évoquer ça aujourd’hui, sauf moi!» lance-t-il, amusé.

«En ce monde régressif, ramenons le progressif», chante-t-il sur l’extrait Je veux pas juger, dont le vidéoclip met en vedette Dom Massi, la moitié du délirant duo Les Pics-Bois.

Pérusse s’est donné le défi musical de s’inspirer du style complexe de Jethro Tull et de Frank Zappa. «J’ai décidé de me faire plaisir pour me remonter le moral à moi aussi», résume-t-il.

L’artiste a eu un «fun noir» à replonger avec une pointe de nostalgie dans cette époque – vous reconnaîtrez d’ailleurs un François Pérusse de 18 ans sur la pochette de son album. Cela ne l’a évidemment pas empêché de tourner en dérision le prog, qui se caractérise par ses «tounes de 20 minutes qui racontaient l’histoire d’un gars qui pue», comme il le chante.

Les années 1970 côtoient les vedettes pop au goût du jour sur le Tome XI, dont Kanye West, Chris Martin de Coldplay et les anciens de Radio Radio, «Toaster Toaster».

«J’aime la culture musicale de toutes les époques et les artistes de tous les genres, assure-t-il. Je regarde des nouveaux comme Twenty One Pilots et Billie Eilish, ils sont excellents, ils sont excellents!»

Comme il nous y a habitués par le passé, François Pérusse se moque également des travers des médias en parodiant des émissions comme Salut Bonjour et Denis Lévesque ainsi que la chaîne RDI, «là où il n’y a jamais de malaise technique».

Tout cela est fait avec amour, promet-il. «La culture c’est ce qui nous tient debout. Le journalisme nous tient debout. Le journalisme, c’est la voix des gens. Si on laissait juste les money makers diriger le monde, ça irait encore pire! J’aime donc faire côtoyer cette culture dans mes jokes

Bob Hartley, Louis-Paul Fafard-Allard et Donald Tronc

Que serait un Album du peuple de François Pérusse sans ses personnages cultes? C’est avec un immense plaisir qu’on retrouve le gars qui magasine au téléphone chassant les aubaines du cyber lundi ainsi que l’animateur de radio communautaire Louis-Paul Fafard-Allard.

Ce dernier nous présente le pianiste jazz Donald Tronc – à ne pas confondre avec Donald Trump –, qui s’est accidentellement scié les jambes en voulant offrir de la bûche de Noël à ses invités. Lorsqu’on souligne la parenté entre Donald Tronc et Tata Boutlamine, ce légendaire pianiste du Tome IV qui jouait avec un seul doigt suite à un accident de moulin à café, François Pérusse s’esclaffe. «S’ils ne sont pas cousins, ils doivent se connaître, c’est certain! Tu me le fais réaliser. Quand j’ai fait Donald Tronc, je n’ai pas pensé à Tata!» lance-t-il en riant de plus belle.

«J’ai 60 ans, mais dans mon esprit, j’ai 2 ans d’âge mental.» -François Pérusse

Un autre incontournable depuis quelques années est Bob Hartley, qui vient cette fois brasser la cage de Trudeau et de Trump en plus d’incarner la voix de l’assistant vocal de Google dans un numéro désopilant. «Faque toi, aller le monter sur le thermostat, non? C’est trop simple?» s’écrie-t-il à un couple qui lui en fait la demande.

L’indignation de ce personnage serait-elle aussi un peu celle de François Pérusse? «Je dirais que oui, répond le principal intéressé. Bob, il me défoule. D’ailleurs, quand j’ai fini de faire Bob, j’ai la face rouge et je suis essoufflé parce qu’il est criard, ça lui prend beaucoup d’air!»

Sur le Tome XI, François Pérusse règle aussi une question une bonne fois pour toutes : «ça ne se demande pas, “quoi de neuf?”». Ce qui ne nous a pas empêché de lui demander en début d’entrevue. «Quoi de neuf? Eh bien, j’ai des nouveaux thermostats au studio», a-t-il répondu spontanément.

Des thermostats plus écologiques, tout comme l’est cet Album du peuple, offert seulement en format numérique, une première en 30 ans. «Il y a des gens qui ne seront pas contents, je le sais, mais un moment donné, il faut le faire ce virage», dit-il.

Eh oui, l’humoriste signait il y a déjà 30 ans ses premières capsules Les 2 minutes du peuple, qui furent un succès instantané. «Ça a joué rapidement dans tous les autobus scolaires!» se souvient-il avec humour.

Après avoir généreusement partagé des souvenirs de cette époque, François Pérusse nous informe tout bonnement qu’il se prépare un verre de vinaigre de cidre de pomme «avec la mère». «Plaît-il?» ou plutôt «Hein?» rétorque-t-on. L’humoriste explique alors qu’il boit quotidiennement ce breuvage dilué avec de l’eau, ce qui procurerait de nombreux bienfaits.

Serait-ce le secret de sa longévité? C’est surtout dans les petits gestes du quotidien, comme cuisiner avec son amoureuse et «chiller, comme ils disent» avec ses garçons que François Pérusse semble trouver le bonheur.

C’est peut-être pourquoi il termine son Tome XI dans la bienveillance en invitant son public à se parler avec gentillesse et en le remerciant de l’avoir écouté.

«Je trouve que le monde a le “va chier” facile depuis une couple d’années, dit-il sans détour. Oui, on a le droit d’exprimer nos opinions, mais ça ne veut pas dire qu’on doit manquer de respect envers son prochain. Ça a l’air un peu toton dit de même comme un prof de science religieuse, mais j’aimerais que le monde se calme un peu le pompon.»

Suivons son conseil et terminons nous aussi avec gentillesse : merci d’avoir lu cet article jusqu’à la fin. 


L’album du peuple – Tome XI

En vente dès le 24 novembre au francoisperusse.ca

 

 

 

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