Emma Thompson est une actrice très sérieuse. Mais quand vient le temps de s’amuser, elle ne donne pas sa place.
Au début de la conférence de presse pour Saving Mr. Banks (Sauvons M. Banks), Emma Thompson a surpris les journalistes en se présentant devant eux d’une façon pour le moins… athlétique! L’actrice britannique a sauté, s’est voûtée et a passé ses jambes par dessus la table avant de prendre place sur sa chaise. L’exercice se voulait un reflet de P.L. Travers, la créatrice de Mary Poppins et son alter ego dans le film, que Thompson a appris à comprendre. Entretien avec la respectée actrice.
Je voulais vous féliciter pour votre entrée lors de la conférence de presse…
Ce que vous devez comprendre, c’est que, dans ma tête, je porte en permanence un chapeau avec des petits grelots. Dans une autre vie, je devais certainement être fou du roi. J’ai ce besoin de faire rire les gens. Et j’utilise tous les moyens pour y arriver!
Disons-le tout de suite : vous êtes bien trop jeune pour jouer P.L. Travers.
Pas tant que ça, quand même. J’ai 54 ans et elle avait 66 ans lors des événements dépeints dans le film. Je crois que j’ai l’air assez vieille – dans un sens très respectable! Travers aimait séparer la vie des femmes en trois parties : nymphette, mère et vieille bique. Alors je me suis dit qu’il fallait la jouer à ce passage entre celui de mère et de vieille femme. Elle a encore tout un potentiel érotique, si on peut dire, mais on voit qu’il ne lui servira plus parce qu’elle est trop fermée. Je crois que ça rend le personnage encore plus intéressant, parce qu’on peut en voir toutes les nuances. Ce n’est pas encore une vieille grognonne qu’il est beaucoup plus facile de rejeter.
Que pensez-vous de cette vision simplifiée de la vie de la femme en trois stades?
J’aime ça, à vrai dire. Je ne déteste pas l’idée de séparer sa vie en différents stades. Personnellement, je crois que tout se vit au présent. Mais évidemment, nous gardons en bagages ce qui nous est arrivé précédemment, à d’autres moments de notre vie. Tout est relié.
Vous avez dit qu’il était difficile de trouver, au cinéma, des personnages d’héroïnes auxquelles s’identifier. Comment remédier à la situation?
Il y a deux questions sous-jacentes : qu’est-ce que la définition de l’héroïsme et est-ce que ça doit nécessairement impliquer un film d’action. Quand j’ai commencé à faire du cinéma, je me suis dit que je m’identifierais à Marlon Brando. C’est lui qui passait à l’action alors que les femmes lui disaient de rester auprès d’elles. Ça m’a apporté beaucoup de frustration! Encore aujourd’hui d’ailleurs, parce que ça demeure un cliché trop répandu. J’ai tellement refusé de rôles d’épouses dans ma trentaine parce que tout ce qu’elles disaient, c’était : «Pourquoi ne penses-tu pas à moi et aux enfants?» Ce sont des rôles de femmes sans colonne que je n’avais pas du tout envie d’incarner. Le problème de l’héroïsme au féminin, on ne peut pas le régler simplement. Si on voit les rôles de femmes comme les rôles d’hommes, alors on va mettre un fusil dans les mains des actrices… Ça ne rime à rien. Alors nous restons pris avec le problème. C’est une véritable énigme.
Je vais m’y attarder…
Et je m’y attarde constamment. Les choses vont finir par changer. Mais c’est fascinant de voir qu’on s’y attarde encore aujourd’hui. La réponse n’est pas Salt – même si j’ai adoré ce film. Il doit y avoir d’autres réponses à l’énigme, n’est-ce pas?
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Saving Mr. Banks
En salle dès vendredi
