Culture

Jason Derulo: décortiquer une catastrophe

Que penser du clip de Jason Derulo? Notre chroniqueur analyse le désastre qu’est Talk Dirty to Me.

Si on le juge à l’aune de son plus récent clip, Talk Dirty to Me, on pourrait dire de Jason Derulo qu’il est un homme ouvert et moderne, un jet-setter dont la musique métissée prouve hors de tout doute que les frontières entre les cultures se sont estompées au profit d’une saine mondialisation. Mais non, je déconne…

Talk Dirty to Me, malgré ses airs exotiques et son refrain hyper accrocheur (un échantillonnage du groupe israélo-américain Balkan Beat Box) est une affligeante démonstration de racisme insidieux doublé de sexisme ostentatoire.

Entre deux spectaculaires pas de danse (au rayon steppettes, Jason n’a rien à envier à son modèle, Usher), la star r’n’b séduit une bonne dizaine de femmes dont les tenues légères évoquent, avec force clichés, les habits traditionnels de leurs pays respectifs. Le message de la chanson est clair: inutile d’apprendre quoi que ce soit des autres cultures; pour appartenir aux Nations Unies de Derulo, suffit de savoir «parler cochon» («Your booty don’t need explainin», répète-t-il ad nauseam).

Jason sait ce dont les femmes du monde entier ont besoin (lui, apparemment) et il a des traces de rouge à lèvres sur chacune des pages de son passeport pour en témoigner.  Son acolyte 2 Chainz, qui apparaît au troisième couplet, est encore moins subtil, faisant rimer «genius» avec «penis» tout en avouant qu’il ne se donne même pas la peine de retenir le nom des filles à qui il prodigue ses largesses.

Après avoir offert un animal de compagnie à l’une de ses conquêtes parce qu’elle avait une bonne «chatte» (jouant, tel un grand poète, sur l’homonymie pussy/pussy), il déclare: «Got her saved in my phone under Big Booty». Édifiant…

Évidemment, les figurantes du clip servent aussi de décoration durant les immanquables scènes destinées à ploguer les produits de consommation endossés par le chanteur (une boisson énergisante quelconque et des écouteurs).

Le clip se termine sur un gros plan du visage d’une jolie Japonaise qui avoue, avec un accent caricatural, ne rien comprendre à rien en étouffant un petit rire idiot. Jason apparaît ensuite en faisant étalage de ses abdominaux, avec l’air de dire «t’inquiète pas, jeune fille, Jason va t’expliquer le sens de la vie…».

Bien qu’offensante à tous points de vue, la chanson est terriblement accrocheuse, on le répète. Mais si vous avez vraiment envie d’exotisme musical, procurez-vous plutôt l’excellent disque Nu Med de Balkan Beat Box, qui a inspiré cette catastrophe.

[youtube http://www.youtube.com/watch?v=RbtPXFlZlHg?rel=0&w=640&h=360]

Retrouvez Nicolas Tittley à l’émission Haut-parleurs, le mercredi à 20 h 30, à MusiquePlus, ainsi qu’à Cliptographie et à MusiMax illustré, à MusiMax.

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