Culture

Denise Bombardier met sa vie amoureuse sur papier

L’écrivaine et chroniqueuse Denise Bombardier publiait jeudi son livre L’Anglais. Une histoire digne d’un conte de fées.  Après le troisième jour d’une relation avec «l’Anglais» qu’elle a rencontré lors d’une conférence à Belfast, en Irlande du Nord, c’est la demande en mariage!

Rencontrée dans un café du Vieux-Port de Montréal, Denise Bombardier a parlé à Métro de son livre, qualifié de «réconfortant». Cette femme de caractère s’interroge dans cet ouvrage sur la place de la religion et sur les rapports hommes-femmes dans notre société.


Vous semblez dépeindre les hommes comme des vautours dans votre roman. Votre relation d’amour avec celui que vous surnommez l’Anglais vous a-t-elle réconcilié avec les hommes?

Au contraire, je me porte à la défense des hommes d’ici, parce que les Québécois sont les plus féministes de la Terre. Il y a des hommes qui sont des prédateurs de femmes, mais pas tous.

Votre livre évoque une histoire d’amour que vous avez vécue. Pourquoi avoir choisi de parler de cette histoire?

Parce que c’est une belle histoire, parce que c’est invraisemblable, parce que je voulais y croire. Tous les gens qui sont amoureux vont se retrouver dans ce roman.

Vous avez rencontré votre prince charmant à 50 ans dans un contexte digne d’un conte de fées. Croyez-vous au destin?

Je parle du destin dans le livre parce que je suis une rationnelle dans ma perception des choses. Par contre, dans les relations intimes, je crois en la destinée. Je pense que, quelque part, quelqu’un nous est destiné.

Vous décrivez dans votre roman un amour enflammé. Vous semblez éperdument amoureuse. Croyez-vous en l’amour éternel?

Je suis convaincue que c’est le dernier homme de ma vie. D’un autre côté, je sais que les jeunes ont beaucoup de difficulté avec l’engagement, probablement parce que leurs parents divorcent. Je constate le nombre de ruptures et je trouve cela très perturbant. D’un autre côté, le droit d’aimer, ce n’est pas un droit garanti par la Charte des droits et libertés.

Croyez-vous en l’institution du mariage?

Oui. Je me suis mariée quelques fois. Je suis une romantique. Le mariage, c’est délicieux à vivre. On appartient à une société; et venir à la face du monde dire «J’aime cet homme» ou «J’aime cette femme» c’est un engagement important. Il y a quelque chose de plus là-dedans.

Je pense que les garçons ont peur de l’engagement parce qu’ils ont vu leurs parents divorcer et qu’ils sont plus fragiles. Moi, je ne m’en vante pas, de m’être remariée. Ç’a peut-être traumatisé mon fils.

Vous notez dans votre livre que les Québécois doivent se redéfinir à la suite du déclin de la religion. Quel est le fond de votre pensée?

Je crois que nous ne pouvons pas nier que nous sommes dans une culture chrétienne. Ne serait-ce qu’en raison de notre calendrier judéo-chrétien. Les Québécois ont fêté Pâques en fin de semaine. Si nous voulons comprendre qui nous sommes et les valeurs que nous avons, il faut retourner en arrière. Sinon, on se promène en aveugle. Il faut croire en quelque chose; on ne peut pas vivre dans la désespérance. Il y en a qui ont cru en l’indépendance comme on croyait avant en Dieu. Mais l’homme a besoin de croire.

Au début de votre relation avec «L’Anglais» dans votre livre, vous hésitez à aborder le thème de la religion, pourquoi?

Cet homme-là venait d’ailleurs, il a vécu une vie qui n’a rien à voir avec la mienne, je pense qu’il avait une réalité différente de la mienne. Il n’y a que 10% des Anglais qui sont catholiques. Ils sont minoritaires et il est catholique de culture. Moi c’est la même chose, je suis une catholique sociologique.

Comment évaluez-vous les rapports hommes-femmes dans notre société?

Je trouve que ce n’est pas facile pour les garçons! Les petits garçons ne se reconnaissent plus. Ce n’est pas normal que durant tout leur parcours scolaire, ce ne soit que des femmes qui leur enseignent. Ça prend des figures d’identification masculine. Présentement, on dirait que l’on demande aux garçons d’agir comme des filles et d’être tranquilles comme des filles. Ce n’est pas normal que l’on demande aux garçons de parler de leurs émotions, les filles sont là pour ça. Les garçons l’expriment autrement! Mon fils ne me raconte rien. Il est très réservé, et c’est normal à mon avis.

Dans vos chroniques, vous critiquez les agissements de certaines jeunes femmes de votre époque. Croyez-vous que le comportement des jeunes filles les place en situation de vulnérabilité face aux hommes?

Je pense que les filles sont physiquement plus vieilles que leur âge. Elles sont sexuellement très développées alors qu’elles sont encore des gamines. Toutefois, je pense que les jeunes veulent être solidaires et que les filles disent qu’elles font des choses qu’en fait elles ne font pas.

Apprendre la sexualité sur des sites pornos, c’est extrêmement dévalorisant. Quand elles arrivent à 17 ans, il faut les ramasser à la petite cuillère. C’est une sorte de viol qu’elles subissent.

Je pense qu’une vraie histoire d’amour comme mon livre en raconte c’est réconfortant. Je pense que ça peut aider des gens.

L’affaire DSK semble avoir levé le voile sur une attitude de banalisation de l’acte sexuel. Comment croyez-vous que cette histoire influencera les rapports hommes-femmes?

Particulièrement en France, les hommes font la cour aux femmes, c’est une dynamique complètement différente. Mais là, on parle d’hommes qui mettent la main au cul des filles. Je donnais une entrevue sur le sujet à Radio-France et la recherchiste qui m’accompagnait m’a dit qu’elle était en stage depuis trois mois et qu’elle se faisait harceler constamment par les hommes.

L’affaire DSK a créé un vrai débat, mais je pense que ça va prendre beaucoup de temps avant que ça change vraiment. Certains Français rationalisent l’histoire en disant que c’est sa vie privée. Ici, au Québec, il n’y a pas grand monde qui accepterait que leur dirigeant aille dans les bordels. Aujourd’hui, les histoires comme dans le temps de René Lévesque ça ne passerait pas.

Un récent jugement de la Cour d’appel de l’Ontario demande de réviser le Code criminel pour autoriser partiellement la prostitution. Vous avez signé plusieurs chroniques virulentes sur ce sujet. Doit-on être forcément soumis pour se prostituer?

Dès que c’est tarifé, on est dans le commerce et dans l’esclavage. C’est faire preuve beaucoup de naïveté que de croire qu’il peut ne pas y avoir de soumission. Les bordels n’appartiennent pas aux prostitués. Quand on se fait passer dessus trois ou quatre fois par nuit, on ne fait pas ça par choix. Ce n’est pas parce que ç’a toujours existé que l’on doit la légaliser. On ne légalise pas la pédophilie, et pourtant ça existe.

Où sont rendues les procédures concernant votre précédent livre, qui portait sur l’affaire DSK?

Au stade de l’assignation, l’équivalent d’une mise en demeure qui a été envoyée aux Éditions Fayard, mais moi je ne suis pas visée. Pour l’instant, je ne peux pas en parler, mais un jour, je vais m’expliquer.

Vous avez signé des textes où vous vous prononcez en faveur de la hausse des frais de scolarité. Toutefois, êtes-vous heureuse de voir les jeunes se mobiliser pour une cause commune?

Il faut que les jeunes sachent ce qu’est que d’être solidaires. Mais ils présentent leur cause comme une grève face à un employeur. En réalité, ce n’est pas une grève, mais un boycott de leurs cours. À ce titre, s’ils veulent agir comme des syndicats, les associations étudiantes doivent tenir des votes secrets ou électroniques. Les leaders étudiants disent que l’éducation est un droit, alors ils n’ont aucun mot à dire à ceux qui s’en vont devant les tribunaux pour revendiquer ce droit. Ils sont complètement coincés avec cette logique, parce que l’éducation supérieure, ce n’est pas un droit. L’université se doit être réservé à ceux qui ont les capacités académiques.

Croyez-vous que l’intégration des élèves en difficulté au primaire et au secondaire est allée trop loin?

Pour un certain type d’élèves, ça prend des classes spécialisées. Présentement, on veut faire croire aux gens que tout le monde est pareil, alors que ce n’est pas vrai. Nos diplômes ne valent plus grand-chose. Un enfant qui ne performe pas, il se sent encore plus différent en classe régulière. La vertu est l’ennemi du bien. Nous sommes angéliques dans notre vision des choses et nous devenons obsédés par l’égalité. Nous ne sommes pas tous égaux en intelligence, nous ne sommes pas tous égaux en beauté. La seule place où nous sommes égaux, c’est devant la loi.

L’Anglais
Éditions Robert Laffont

Denise Bombardier participera au Salon du livre de Québec vendredi et samedi.

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