Sur son troisième album, Si l’aurore, Marie-Pierre Arthur adopte au fil des chansons le point de vue des différents acteurs d’une infidélité, tout en flirtant joyeusement avec un style rétro «cheesy».
Quand les couples de notre entourage se brisent l’un après l’autre, ça force à la réflexion. Ç’a du moins été le cas pour Marie-Pierre Arthur entre les sorties d’Aux alentours, son second album paru en 2012, et Si l’aurore, qu’elle lancera ce lundi au Cabaret La Tulipe. Ces ruptures de gens proches d’elle ont largement donné le ton à ce troisième opus, qui va paraître mardi. «Qu’est-ce que tu vois/Dans ses yeux/Qu’est-ce que tu vois/Est-ce que c’est mieux», chante-t-elle sur Papillons de nuit. «Qu’est-ce qu’il a tant de plus que moi?» demande le personnage de Comme avant.
«Même si ce n’est pas à toi que ça arrive, tu te mets à te poser des questions sur ta propre situation, explique la chanteuse. Est-ce que ça va m’arriver? Et si ça ne m’arrive pas, est-ce que je serai chanceuse, ou est-ce que la suite va juste être dull en maudit? Alors, dans une bonne partie des chansons, j’ai essayé de me mettre dans la tête de tous les personnages concernés par une infidélité : à la place de la personne trompée, de la personne qui se sent seule et finit par triper sur quelqu’un… J’ai aussi exploré l’opinion de l’ami du gars ou de la fille qui trompe, le regret de la personne qui a trompé…»
Les textes tendent donc plutôt vers le sombre que vers le lumineux, mais ne dit-on pas que les gens heureux n’ont pas d’histoire? De son propre aveu, c’est dans les périodes plus sombres que Marie-Pierre Arthur se sent inspirée. «Honnêtement, chanter quelque chose de pimpant, ce n’est pas vraiment mon genre, sourit-elle. C’est simple, quand je vais bien, je ne prends pas une seconde pour en parler, je prends ce temps-là, je le savoure et je m’amuse. Au contraire, quand je suis dans une période plus ordinaire, je trouve que d’y réfléchir, ça fait du bien. Et l’écriture, dans ces moments-là, ça me fait comprendre des affaires, ça me met dans un mood où je me sens à l’aise.»
Il ne faudrait pas croire pour autant que tout le processus de création se déroule dans une ambiance lourde. «Quand on enregistre, ce n’est que dans le gros plaisir!» confirme l’artiste. Et d’ailleurs, les mélodies sur lesquelles elle chante n’ont rien de triste, ce qui en dupe plus d’un: «Des mélodies joyeuses, ça me permet de m’amuser en spectacle sans être un clown pour autant. Et j’aime vraiment l’idée de chanter des paroles dark sans que les autres s’en aperçoivent, rigole-t-elle. En spectacle, quand le public entend des chansons qui ont l’air joyeuses et que tout le monde chante avec moi sans se rendre compte que ce qu’ils disent, c’est super sombre, je trouve ça génial!»
Ce nouvel album ne fera pas exception, puisque la musicienne et sa bande ont teinté les mélodies de Si l’aurore de surprenants sons rétros qui évoquent les années 1980.
«Il y en a qui m’ont dit que ça rappelait Diane Tell, d’autres, Céline Dion… Il y a des passages qui font penser à des variétés des années 1980 le temps d’un couplet, et j’aime ça, parce que ça existe, ces mélodies-là!» s’exclame la jeune femme.
Tout est question d’équilibre, cela dit, et il n’était pas question pour la musicienne de tomber dans le pastiche: «C’est cool quand tu intègres ces ambiances musicales dans une chanson qui, autrement, a un son différent, quand tu flirtes avec le cheesy, que tu rentres dedans pendant un couplet et que tu t’en vas ailleurs après!»
«Dans cet album-là, j’ai intégré beaucoup d’affaires qui ressemblent aux mélodies de l’enfance de ma génération. Je ne m’étais jamais permis ça avant. je ne sais pas pourquoi, je n’étais pas là. Mais cette fois-ci, je me suis dit: “Hé, ça veut sortir de même, let’s go.C’est cheesy? Cool! J’y vais ben raide!”»
Les influences de ses albums, Marie-Pierre les récolte souvent durant ses tournées, une période où elle ne compose pourtant pas du tout: «En tournée, j’ai besoin de vivre la vraie vie, d’emmagasiner des expériences, je ne suis pas du tout intériorisée, je suis juste tournée vers l’extérieur, avoue-t-elle. Et j’ai besoin d’un long silence avant qu’il sorte des affaires de ma tête.»
Ça ne l’empêche pas de faire le plein de nouvelles influences: «On écoute sans arrêt de la musique. On fait beaucoup de découvertes, on entend des choses qui pourraient passer tout droit, mais si la personne à côté de nous vit quelque chose en écoutant cette musique-là, on se met à l’écouter vraiment, et éventuellement ça change quelque chose dans notre vie.»
Ce «on» fait référence à ses musiciens, la chanteuse étant, dans l’âme, une fille de groupe qui adore retrouver ses collaborateurs en studio. Parmi les noms qu’on retrouve sur l’une ou l’autre des pièces, citons Robbie Kuster (Patrick Watson), Olivier Langevin (Galaxie), Nicolas Basque (Plants & Animals), le saxophoniste Yannick Rieu, des chœurs de Louis-Jean Cormier…
Et si elle a, bien naturellement, de nouveau fait équipe avec son amoureux François Lafontaine, qui a composé ou «cocomposé» plusieurs mélodies de Si l’aurore, l’artiste a aussi accueilli deux nouveaux collaborateurs, le batteur Sam Joly et le guitariste Joe Grass, dans le «noyau de création» de l’opus. «Ç’a totalement “twisté” l’esthétique, explique-t-elle. Ces gens, je les ai choisis pour leur style, leur façon de jouer. Si je gardais toujours la même gang, probablement que ça ressemblerait drôlement plus à ce que j’ai fait avant. Mais changer une seule personne, c’est hallucinant ce que ça fait. Par exemple, si j’ai un nouveau drummer, je change aussi complètement ma façon de jouer de la basse, parce qu’il faut que je m’adapte à lui. Et avec deux personnes qui sont totalement ailleurs, ça change l’ambiance générale.»
C’est parti pour le spectacle
La «fille de gang» qu’est Marie-Pierre Arthur peut se réjouir, puisqu’elle n’aura pas à attendre longtemps avant de retrouver ses musiciens sur scène: sa première montréalaise aura lieu dans quelques jours, durant Montréal en lumière.
«J’ai tellement hâte de voir comment on va se comporter sur scène avec cette musique-là!» se réjouit la musicienne, qui assure toutefois ne pas composer en fonction de la manière dont sa musique se transportera en spectacle.
«Une chose était claire, par contre, c’est que ça ne me tentait pas d’être dark sur la scène, précise-t-elle. J’ai appris à beaucoup aimer faire danser le monde dans la salle, j’aime sentir que je leur donne de l’énergie. Et si je devais porter quelque chose de lourd en tournée pendant deux ans, avec mon caractère, je finirais par faire une dépression profonde! lance-t-elle en riant. Si jamais, un jour, je présente un show avec juste des ballades tristes, ça voudra dire que je vais bien en cr…! Autrement, ça tire beaucoup trop de jus.»
Cette envie de mélodies entraînantes pour la scène est aussi due au fait que Marie-Pierre Arthur, on s’en souvient, est d’abord une bassiste en plus d’être une chanteuse. «Il faut que ça m’intéresse, ce que j’ai à jouer. Si c’est juste des ballades tout le temps, c’est plate pour moi! J’ai envie de jouer de la basse et j’ai besoin d’aimer ce que je joue. C’est pour ça que je me laisse souvent de longs moments instrumentaux sur tous mes albums. C’est complètement égoïste, mais j’ai le goût de jammer, pas seulement de chanter!» On ne s’en plaindra pas!
Fidèle amitié
Une fois de plus, Marie-Pierre Arthur a fait appel à son amie et fidèle (!) collaboratrice Gaële pour écrire avec elle les textes de Si l’aurore. «Tout peut arriver, je ne lui demande pas l’exclusivité, et elle non plus. J’ai pensé à aller voir ailleurs, avoue-t-elle. Mais quand je m’installe avec Gaële, je ne comprends plus pourquoi je voudrais changer!»
Même si les deux jeunes femmes se complètent et ont énormément de plaisir à écrire ensemble, Marie-Pierre ne croit pas qu’une collaboration à l’écriture des paroles soit faite pour tout le monde. «Ça prend quelqu’un de très ouvert, qui ne cherche pas à faire SA toune, mais plutôt quelque chose qui nous ressemble à toutes les deux, explique-t-elle. C’est plein de deuils à faire, et si t’es dans l’ego, t’es dans la m…! Je n’arrête pas de couper Gaële dans ses élans, elle écrit des trucs, et je lui dis: “Eh! Que c’est beau, mais… Eh! Que je dirais pas ça!” Ou encore des fois, ça marche pareil, j’y repense, j’écris par-dessus… C’est ça, de la création en gang!»
Si l’aurore
En magasin dès mardi
Lancement au Cabaret La Tulipe lundi à 17h30
Marie-Pierre Arthur à Montréal en lumière
Au Club Soda
Le 26 février à 20h