Culture

Joel Plaskett: le passé rejoint le présent

Le musicien néo-écossais Joel Plaskett, superstar au Canada anglais, débarque jeudi soir au Théâtre Corona de Montréal pour présenter les pièces de son album The Park Avenue Sobriety Test, opus où il se replonge dans le passé tout en s’aventurant dans des zones où il n’était pas allé avant. Métro s’est entretenu avec l’auteur-compositeur-interprète.

The Park Avenue Sobriety Test est un album solo, mais vous l’avez enregistré avec les musiciens de votre groupe The Emergency, qui font partie de la tournée, et d’autres amis musiciens [dont Mo Kenney, qui assurera la première partie du spectacle], principalement en live. L’énergie du disque doit se ressentir dans le concert…
Il y avait quelque chose de très spontané dans le fait d’être entouré de plein de gens pour enregistrer, de chanter avec le groupe. Ça se rapproche de la façon dont les albums se faisaient dans le temps. Je n’avais jamais osé faire ça auparavant. J’enregistrais les voix à part, il y avait un aspect plus «produit». Mais j’ai eu envie d’aborder cet album d’une manière différente. Et puis l’énergie n’est pas la même qu’avant; c’est vrai qu’elle se rapproche davantage de ce qu’on fait en spectacle. Et je crois que c’est nécessaire, parce que tout ce qu’on entend à la radio de nos jours est formaté, contrôlé. Il n’y a rien de mal à vouloir enregistrer une chanson pop, mais je crois qu’il y a un transfert d’énergie qui est censé s’effectuer à travers la musique, et qu’il y a quelque chose qui s’est perdu dans l’ère moderne. On ne sait jamais vraiment si c’est un humain qui a joué quelque chose, ou si un ordinateur est impliqué.

Parlant de la façon dont la musique était faite avant, nous sommes maintenant dans une ère de «singles», mais les chansons de votre disque sont liées entre elles par un fil conducteur. Quand vous composez, vous considérez vos albums comme un tout?
Absolument. Je pense encore en termes de «face A-face B», et je fais d’ailleurs paraître mes albums sur vinyle. Si je peux trouver un fil conducteur, une histoire qui traverse l’album, alors je vais placer mes chansons dans l’ordre pour la raconter. Quand je vois une connexion entre deux pièces, je la note mentalement, et lentement, le disque prend forme. Pour celui-ci, je savais que la pièce-titre ouvrirait ou terminerait le disque. J’aurais pu la mettre au début, en guise de présentation, mais la placer à la fin me permettait de résumer les thèmes de l’album en une chanson, et de laisser l’auditeur sur une note joyeuse et ludique.

«Je pensais déjà au passé comme thème récurrent de The Park Avenue Sobriety Test quand j’ai remarqué l’acronyme. J’aime que les gens qui sont familiers avec ma carrière puissent en reconnaître différentes étapes dans ce disque, mais que celui-ci se tienne tout seul pour quelqu’un qui ne me connaît pas du tout.» – Joel Plaskett, à propos de l’acronyme de The Park Avenue Sobriety Test: P.A.S.T. (passé)

Sur ce disque, vous avez inclus quelques chansons engagées, une chose que vous n’aviez pas vraiment faite auparavant…
Oui, Captains of Industry, la reprise de la chanson Hard Times et Broke: les trois expriment un peu un commentaire social et politique. Je sentais que j’avais besoin d’exprimer certaines choses auxquelles je pensais souvent. Notamment parce que j’ai un fils de sept ans maintenant, et le fait d’avoir un enfant change notre vision du monde. Ça vous force à être moins égocentrique, à penser au fait que vous allez finir par envoyer cet enfant dans le monde extérieur en croisant les doigts pour que tout aille bien. Les préoccupations par rapport à la pauvreté, au gouvernement et aux grosses corporations exprimées dans ces chansons se sont insinuées dans mon écriture, et je n’avais pas envie de les censurer, j’avais envie de m’exprimer sur ce qui est important pour moi.

Cela dit, il y a beaucoup d’humour et de légèreté dans l’album, et vous dites sur une des chansons: «Il y a tant de choses contre quoi se fâcher, on pourrait peut-être prendre une petite pause.» C’est le rôle de la musique, de donner l’occasion d’une petite pause?
C’est essentiel de garder le sens de l’humour et de trouver la joie dans les choses qui comptent. Quand on devient un peu plus politisé, il faut aussi reconnaître qu’on ne peut pas ramener cette tristesse, cette frustration vis-à-vis du monde à la maison, sinon on risquerait de devenir amer.

La meilleure version de soi-même
Une vingtaine d’années de carrière, neuf albums studio, une réputation qui n’est plus à faire: Joel Plaskett a-t-il encore des craintes quand il lance un nouvel opus?

«Ma pire crainte, c’est d’être ennuyant, lance-t-il en riant. J’essaie toujours de rendre les choses intéressantes, d’abord pour moi, parce que si mon propre intérêt est capté par ce que je fais, c’est un bon début. Mais en même temps, on fait ce qu’on fait, on ne peut pas sortir de soi-même. Je n’essaie pas à toute force d’éviter les trucs qui sonnent comme ce que j’ai fait dans le passé, pourvu qu’ils sonnent bien, que les mots veuillent dire quelque chose, que la mélodie soit satisfaisante. C’est correct d’être prévisible si ce qu’on livre est vraiment bon!»

Mais il reste que le musicien essaie toujours de se surprendre et d’expérimenter. «Je suis réalisateur pour les disques d’autres musiciens et j’apprends de ceux-ci, fait-il remarquer. Ça m’amène à vouloir essayer des choses nouvelles sur mes propres albums. Il y a quelques chansons sur chaque album où je sors de ma zone de confort pour aller là où je n’étais pas allé avant, alors que d’autres font écho à des choses que j’ai déjà explorées. Et c’est très bien comme ça! Ça ne me dérange pas que les gens sachent à quoi s’attendre de moi, tant qu’ils aiment ce qu’ils entendent.»

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Joel Plaskett
Au Théâtre Corona
Jeudi soir à 20h

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