Elle hait les pique-niques, n’a jamais embarqué dans la folie de The Wire, a été mariée pendant un bout, a détesté ça. Ah oui, elle n’a pas d’enfant. Et. Elle. N’en. Veut. Pas. Jamais. Depuis 18 ans, l’humoriste américaine Jen Kirkman raconte des gags inspirés d’une histoire vécue. La sienne.
Sur scène, Jen Kirkman raconte son mariage raté, le bref changement de personnalité qu’elle a traversé lors de ses épousailles, son désir de soudain posséder plein de vaisselle inutile (des bols à noix? Pour quoi faire, diantre, des bols à noix?!), son divorce, sa quarantaine, son aventure d’un soir avec un type de 20 ans qui, horreur, lui a presque demandé: «Pis, c’était comment du temps du grunge?»
C’est vrai qu’avec son look glam, son côté punk et son amour du rock, Jen Kirkman a une aura d’icône de la musique. Et c’est d’ailleurs en regardant en boucle le docu-culte 1991: The Year Punk Broke, avec Kurt Cobain et Kim Gordon, de Sonic Youth, que l’humoriste de L.A. a d’abord été poussée à prendre le micro pour donner des shows.
Vingt ans plus tard, Jen raconte des blagues pour gagner sa vie, mais ses références semblent tout droit sorties d’une vieille et respectable collection de vinyles. Elle nourrit un amour fou pour Robert Smith (et son eye-liner) tout comme pour Morrissey, sombre ex-leader des Smiths qu’elle «voit plus souvent en concert» qu’elle voit «ses proches chaque année». Elle tripe aussi sur les photos en noir et blanc de Marilyn, de James Dean, de Bowie. Et contrairement à ceux qui font des faces dégoûtées en entendant le mot «nostalgie», Jen Kirkman parle des années 1990, celles de son adolescence, avec «tendresse et affection». «Je suis tellement contente d’avoir vécu cette époque, d’avoir eu à aller au magasin de disques, d’avoir ressenti toute l’excitation qui vient avec le fait de ne pas avoir de réponses à nos questions tout de suite. De m’être demandé: “Est-ce que ce garçon a le béguin pour moi?” Et de m’être dit: “Je vais le lui demander demain à l’école!” plutôt que de lui avoir simplement envoyé un texto!»
Aimant la solitude et décriant la stupidité (aucun lien entre ces deux affirmations), cette amoureuse du vintage ne fait rien comme tout le monde. Le 4 juillet, par exemple, quand tous ses compatriotes faisaient exploser des feux d’artifice et griller de la viande en hommage à leur pays, Jen est restée à la maison pour regarder des films. «Mais je ne peux dire ça à personne parce que ça rend les gens trop tristes!»
«Je n’ai pas de patron. Je peux dire ce que je veux! quand je veux! Tout haut! toute la journée! Mais j’ai réalisé que la plupart des gens n’ont pas cette chance. Et que c’est pour cette
raison que, lorsqu’ils viennent me voir, ça les rassure tant.» – Jen Kirkman
Il faut dire que l’humoriste lance parfois des phrases qui pourraient briser le coeur des éternels optimistes romantiques. I’m Gonna Die Alone (and I Feel Fine); Je vais mourir toute seule (et je me sens bien), clame par exemple le titre de son one woman show enregistré pour Netflix. Un show depuis le lancement duquel Jen doit compenser avec un stress autrement différent de celui de son mariage et du 4 juillet. La connaissance soudaine d’un public qui lui recommande: «T’es bonne. Tu devrais faire de la tournée.» Alors qu’elle en fait depuis près de deux décennies et qu’elle a partagé la scène avec la grande et regrettée Joan Rivers. «Heureusement que ça n’arrive pas trop souvent, rigole-t-elle, car quand j’entends ce genre de chose, ça me rend folle! Cela dit, je pense que le propre d’un humoriste, c’est d’avoir des bibittes.»
Et elle n’a pas peur de partager les siennes. Quand on lui souligne que, dans ses numéros, elle parle parfois de sa crainte des monstres, elle s’exclame que JUSTEMENT, pas plus tard qu’HIER SOIR, elle a fait un rêve «complètement old school» dans lequel «des têtes sans corps la pourchassaient». «J’ai voulu me lever pour aller chercher un verre d’eau, mais… j’ai eu peur qu’il y ait un monstre sous mon lit. Ça m’a pris un moment avant de me dire: JEN! Tu as 40 ans!!!»
Ce genre d’histoire drôle et en apparence banale mais – détail non négligeable – vraie fait partie de sa signature. Elle ponctue d’ailleurs ses monologues de rappels: «True story!» «D’avoir réellement vécu ce que je raconte me permet de dire: peu importe que vous trouviez ça intéressant ou pas, c’est arrivé! Et puis, ça me facilite la tâche. J’ai des amis scénaristes qui écrivent des trucs comme des séries sur un scientifique fou père de trois enfants extraterrestres. Ça m’épate. Comment on peut penser à ça? Tout ce à quoi je peux penser, moi, c’est à ce qui m’est arrivé hier! Mon imaginaire s’arrête là. Mon rêve avec les têtes coupées est la chose la plus créative qui me soit jamais arrivée!»
Jen Kirkman
Au Wiggle Room
3874, boul. St-Laurent
Du 21 au 25 juillet à 21 h 30
Dans le cadre du OFF-JFL