Note: *** étoiles
Il y a la légende de la «Chasse-Galerie» et le film, dans lequel le conte fantastique d’Honoré Beaugrand se place en prémisse afin de dévoiler une histoire bien plus grande que celle récitée par nos aïeux.
Le 31 décembre 1863, par un hiver glacial, le train ramenant les bûcherons au village est prisonnier des neiges. Il ne repartira que dans quinze jours. À l’intérieur, Théodore Gilbert (Emmanuel Schwartz) se meurt d’inquiétude sachant que sa femme risque de mourir en couche.
S’assoit alors près de lui Jack Murphy (François Papineau). Le dandy a la solution pour lui permettre de retrouver son épouse et changer le destin. Théodore accepte cette aide de dernier recours, scellant ainsi le sort de sa vie et celle de sa fille Liza (Caroline Dhavernas).
Drame historique
L’histoire se déplace alors 25 ans plus tard, dans le village de L’Ascension. Un village éprouvant pour bien des couples qui doivent se dire au revoir à l’automne au départ du train vers les camps de bûcherons.
Liza a maintenant 25 ans. Une belle jeune femme qui a repris la mercerie à la mort de sa mère. Amoureuse de Jos Lebel (Francis Ducharme), elle devra être patiente à la suite du départ de celui-ci vers le Nord.
Mais l’hiver ne se passera pas comme prévu alors que le malheur s’acharne à détruire leur amour. Entre les deux se dresse Romain Boisjoli le notable du village amoureux à son tour de Liza.
On est désormais dans une histoire qui prend racine dans le conte fantastique. Ici, il n’est pas question pour le scénariste Vincent Vigneault de reprendre les codes du fantastique, qui laissent plutôt place à un récit crédible et à l’image du temps.
Esthétique
La réalisation de Jean-Philippe Duval présente l’époque dans tous ses contrastes. On est dans la boucane, dans une esthétique crasse lors des scènes tournées au camp de bûcherons. On se retrouve en opposition à la luxure qui entoure le diable et Romain.
La religion apparaît lors des moments d’échec, tandis que le satanisme permet d’outrepasser cette réalité et de s’imposer en vainqueur.
La direction artistique de Jean Babin et la photographie de Mario Janelle sont bien réussies. On a froid avec les bûcherons. Filmées près des acteurs et de leurs barbes enneigées, les images apportent beaucoup de vérité au récit et font parfois oublier le côté fantastique.
La partie fantastique est d’ailleurs la moins bien réussie, notamment en raison du budget de 7 M$ qui a demandé au cinéaste quelques compromis. Les effets spéciaux du canot volant, quoiqu’acceptables, détonnent avec le reste du film.
Chant choral
L’univers sonore de «Chasse-Galerie: La légende» est d’une grande beauté. Classique, il donne vie au drame qui se joue à l’écran.
C’est le cas de l’utilisation du «Requiem» de Mozart. Le chant choral s’impose lors d’une scène tragique où tout se joue. Dramatiques à souhait, les envolées lyriques appuient l’action et donnent lieu à un moment marquant.
Le chant choral est d’ailleurs utilisé à quelques reprises dans le long-métrage. L’utilisation du registre qui rappelle les grands chants d’église de l’époque vient tendre l’opposition entre le bien et le mal, sous-jacente dans toute l’œuvre.
Comédiens
La performance des acteurs est à souligner, notamment celles de Caroline Dhavernas et de Francis Ducharme qui incarnent le couple maudit de l’histoire.
Il s’agit d’un élément clé de la réussite du récit puisque comme spectateurs, nous devons vouloir la réussite de cet amour afin de soutenir l’énigme scénaristique et prendre acte des malheurs.
Vincent-Guillaume Otis incarne ici un personnage tout en nuances. Détesté en raison de ses plans machiavéliques pour empêcher l’amour, son jeu ne tombe pas dans l’extrême et est balancé. On sympathise même de son état parfois.