Culture

Le rang du lion: Jeunes en quête de guide

Dans Le rang du lion, premier long métrage de Stéphan Beaudoin et Sophie-Anne Beaudry, réalisé avec les moyens du bord, un ex-enseignant de philosophie au cégep se fait le gourou d’un groupe de jeunes en quête de vérité.

Alex (Frédéric Lemay), qui a récemment lâché ses études en finances et se questionne par rapport à son avenir, va avec sa nouvelle amoureuse visiter le cousin de celle-ci à la campagne. Mais cette maison de campagne, Alex s’en rendra compte, abrite une commune dirigée par Gabriel (Sébastien Delorme), ancien professeur de philosophie au cégep, spécialiste de Nietzsche. Fasciné, Alex se laissera peu à peu tenter par ce «laboratoire du vrai», sans tabous et sans préjugés, pour le meilleur et pour le pire.

Le rang du lion, produit et réalisé de manière indépendante, est né d’un rêve du réalisateur, dans lequel un jeune fuyait un groupe. Beaudoin a discuté de cette idée embryonnaire avec sa conjointe, la scénariste Sophie-Anne Beaudry, laquelle a imaginé un gourou qui ne serait pas religieux. «Je ne voulais pas tabler sur une religion qui donnerait au public  une idée préconçue», fait-elle valoir. Elle a donc pensé à la philosophie, et plus particulièrement à Nietzsche, qui l’avait beaucoup marquée au cégep. «Quand on sort de l’adolescence, on devient plus ouverts au monde, mais on a besoin de guides, souligne-t-elle. Les enseignants du cégep sont un pont entre l’adolescence et le monde adulte et ouvrent beaucoup de fenêtres. Les jeunes du film sont à cet âge vulnérable, où on essaie de se définir, mais aussi de se sentir à notre place dans un groupe. Le sentiment d’appartenance est très important.»

Et malgré ses méthodes parfois perverses, le personnage de Gabriel n’est pas complètement noir ou blanc. «Les références culturelles de gourous, c’est Moïse Thériault, ou The Master, fait remarquer Stéphan Beaudoin. Ce n’est pas là qu’on voulait aller. Au Québec, il y a eu beaucoup de groupes du genre de celui du film; c’est une réalité, ces gens qui cherchent un sens à leur vie.» Sophie-Anne Beaudry dit d’ailleurs s’être inspirée des «coachs de vie» et des méthodes de self-help qui prolifèrent entre autres sur le web pour créer Gabriel. «J’ai trouvé des répliques savoureuses en faisant mes recherches, rigole Sophie-Anne Beaudry. Mais je ne voulais pas que Gabriel soit le grand méchant loup; ce qu’il dit n’est pas entièrement fou.»

«J’ai senti tout de suite que Stéphan et son équipe étaient là avec leur cœur, prêts à faire un film sans argent. J’avais envie de faire partie de ça. La paye, c’est autre chose : c’est aller en Allemagne en festival, partager des beaux moments avec d’autres acteurs.» -Frédéric Lemay, acteur dans Le rang du lion

En toute liberté
Stéphan Beaudoin a laissé de la place à l’improvisation durant le tournage, une chose que Frédéric Lemay, qui tient le rôle principal dans le film, a beaucoup apprécié. «J’aime bien me mettre les dialogues en bouche; étant donné l’approche quasi documentaire, un peu voyeuriste, il fallait que le jeu soit réaliste», dit-il.

Du reste, l’acteur a pu profiter de la présence de son partenaire de jeu, Sébastien Delorme, que Beaudoin a choisi en raison de sa capacité à mêler charisme et dureté inquiétante. «Je l’admirais déjà à cause de films comme Gaz Bar Blues, se souvient pour sa part Frédéric Lemay. C’est un char de course, ce gars-là. Tu embarques du côté passager avec lui, et tu pars. C’est facile de jouer avec Sébastien, il est généreux dans le jeu et tellement talentueux.»

Pour trouver les jeunes qui composeraient la commune du film, Stéphan Beaudoin est allé aux auditions du Quat’Sous afin de dénicher des finissants des écoles de théâtre du Québec. «On dit souvent qu’on voit toujours les mêmes gens à l’écran, et pas beaucoup de jeunes. Alors j’ai voulu mettre en scène des jeunes qui ne sont pas connus et qui ne jouent pas des rôles auxquels on s’attendrait.»

Du petit au grand écran
Les amateurs du petit écran québécois connaissent assurément le travail de Stéphan Beaudoin (La promesse, Yamaska). Et la télé, croit-il, aura été utile à la réalisation de son premier long métrage, Le rang du lion, ne serait-ce que pour une chose : la rigueur qu’elle lui a apporté lui a permis de réussir à tourner celui-ci en 11 jours. «C’est très rapide! s’exclame le cinéaste. On a tourné cinq des scènes cruciales dans une même journée. Toute l’équipe habitait sur place, à la campagne, au chalet d’une connaissance qui avait bien voulu nous le prêter, et il n’y avait jamais de temps morts.»
Le réalisateur a par ailleurs apprécié la liberté que permet le cinéma : «On peut s’attarder, creuser les personnages, explique-t-il. On peut donner libre cours à l’imagination du spectateur davantage qu’en télé, où on doit plus le prendre par la main.»

Le rang du lion
En salle dès vendredi

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