Ce matin, le Journal de Montréal nous apprenait qu’un numéro de présentation écrit par Mike Ward et Guy Nantel avait été complètement rayé de la soirée des Olivier présentée ce dimanche. Pourquoi? Parce que les avocats de l’assureur du producteur en ont décidé ainsi.
Aussi bête que ça.
Évidemment, l’indignation est palpable du côté de Nantel, Ward et de la communauté humoristique en général. Oui, ce n’est pas la première fois qu’un numéro se bute à un mur, mais il est rare que les cas de censure soient relevés avant la diffusion d’une soirée, encore moins publiquement et avec l’intégralité dudit numéro supposément sensible.
Il y a un précédent à faire ici et il est inquiétant.
Craignant les poursuites ou les représailles, bref un brin d’eau chaude, l’assureur applique son droit de veto sur du contenu qui, pourtant, devrait appartenir à la discrétion du producteur et du diffuseur. Vous savez, ceux qui ont le travail de chapeauter les créateurs de contenus.
Comme on dit, chacun son métier et les vaches seront bien gardées.
Au nom d’une supposée rectitude politique, un assureur a maintenant le pouvoir de juger à la place du public ce qui est adéquat ou non, ce qui est drôle ou non. C’est un pouvoir dangereusement totalitaire qui, oui, n’est certainement pas nouveau, mais nous avons enfin la chance de le pointer du doigt publiquement avec un exemple concret.
Parce qu’ici, contrairement à un certain scandale de «blackface» qu’on ne nommera pas, c’est difficile de bien cerner le sujet sensible supposément heurté par les blagues de Ward et Nantel. On nomme des individus et des entités, oui, mais qui trace la ligne du bon goût, du correct, de l’acceptable?
L’aseptisation préventive du discours, c’est aussi une forme de discrimination.
Guy Nantel a déjà confirmé qu’il ne se présenterait pas au gala à la suite de cette histoire. Mike Ward, nominé, a aussi décidé de ne pas y aller.
.@APIH_Note Je n'irai pas au Olivier cette année, si je gagne un prix SVP mettez le au recyclage pour moi
— Mike Ward (@MikeWardca) May 13, 2016
Il y a un message à comprendre ici et, surtout, un message à envoyer.
Si le public décide de bouder la soirée des Olivier, dimanche, à la télé de Radio-Canada, le diffuseur aura un dilemme sur les bras. Poursuivre avec le risque de voir les publicitaires débarquer en raison de la baisse de cote d’écoute ou s’ajuster et retirer ce genre de pouvoir d’une entité corporative comme une compagnie d’assurance ou un cabinet d’avocat.
Quand on parle du pouvoir du public, il n’est jamais aussi tangible que dans le cas présent.
C’est une erreur de laisser le contenu s’assujettir aux volontés des assureurs, des avocats et même des publicitaires. Dans un monde où le contenant devient plus important que le contenu, aussi bien abandonner et se contenter d’être du bétail alimentant la machine capitaliste en échangeant nos heures ouvrières contre un toit et une bouchée de pain.
Envoyez un message clair dimanche à nos diffuseurs : nous, le public, ne sommes pas des imbéciles. Nous sommes en mesure de choisir nous-mêmes ce qui nous choque, ou non, ce qui nous amuse, ou non, et ce qui nous fait rire, ou non.
Aujourd’hui, le bonnet d’âne est remis à l’organisation du Gala Les Olivier 2016.