Jusqu’au 4 février, l’Espace Libre présente L’Usine de théâtre potentiel, une création du Théâtre de la LNI. L’histoire? Ça dépend des soirs! C’est que les comédien.ne.s Frédéric Blanchette, Mathieu Lepage, Marie Michaud, Joëlle Paré-Beaulieu et Simon Rousseau ne suivent pas de textes, la pièce étant en fait une longue improvisation de 90 minutes dont les grandes lignes sont déterminées par le public en salle, juste avant le début de la représentation.
Chacun.e sur son cellulaire, avec les résultats projetés en direct sur scène, les spectateur.trice.s votent pour la piste dramaturgique qui sera suivie. Au total, 10 choix sont possibles, mais seulement quatre sont offerts par représentations. Théâtre documentaire, cabaret multiforme, partition danse-théâtre et récit à plusieurs voix font partie des pistes développées par l’équipe.
Ce n’est là qu’un exemple, bien sûr, puisque 1250 combinaisons sont possibles. Rien de moins!
Une fois ce choix fait, le public a d’autres sélections à faire, jusqu’à l’éclairage et l’ambiance musicale. Pour illustrer, lorsque Métro a assisté au spectacle, la piste dramatique choisie était «mythe réinventé». On devait par la suite décider quelle œuvre classique serait adaptée (Oedipe, dans le cas qui nous intéresse), choisir le type de réinvention («par la représentation de la vie future des protagonistes», ici) et demander aux comédien.ne.s de «donner un sens nouveau à cette œuvre».
Sacré défi
Cette «machine à contrainte», comme l’appelle si bien le Théâtre de la LNI, est d’autant plus complexe que des écrans indiquent qui parle quand. Les prénoms de chaque comédien.ne.s, affichés sur les côtés de la scène, sont teintés en blanc quand ils doivent être sur les planches, mais en silence, en rouge lorsqu’ils doivent être en coulisses et en vert lorsqu’ils doivent discourir.
Cette obligation amène des moments cocasses, comme un personnage se retrouvant à monologuer sur tout et n’importe quoi pendant qu’un autre doit se taire, alors que la logique de l’histoire qui se déploie aurait demandé le contraire. Si on rit beaucoup, ça n’aide certainement pas à construire un récit qui se tient.
Il est là, le noyau de L’Usine de théâtre potentiel: la pièce est attrayante pour la performance des comédien.ne.s et l’expérience théâtrale plus que pour sa narration. Les performances sont impressionnantes, souvent comiques à cause de ces gens obligés de s’arrêter au milieu d’une phrase, par exemple. Mais c’est également confus.
On pense à des trames narratives qui émergent le temps d’un tableau, puis sont abandonnées parce qu’elles ne concordent pas avec le reste, ou encore à des personnages qu’on a de la difficulté à relier aux autres. C’est aussi comme ça que la scène finale s’est terminée en queue de poisson, le public n’arrivant pas à entendre la conclusion d’une actrice enterrée par les autres voix.
Si l’expérience ne conviendra pas à tout le monde, elle devrait faire rire les passionné.e.s de théâtre et de jeu, mais aussi plaire à toute personne avec l’esprit ouvert à une proposition franchement nouvelle et singulière.
L’Usine de théâtre potentiel, une mise en scène par François-Étienne Paré, est présentée à l’Espace Libre jusqu’au 4 février.