La scène vous sera probablement familière: vous êtes chez un ami et vous lui demandez où vous pourriez charger votre téléphone intelligent, dont la batterie est pratiquement à plat. Vous vous apprêtez à brancher le fil lorsque vous vous rendez compte que vous n’avez pas le bon chargeur. Après avoir maugréé entre vos dents, vous vous retournez vers votre ami, les yeux pleins d’espoir, mais comble du malheur, il fait partie de l’équipe des Android.
Une situation qui ne se répétera peut-être plus, si l’on en croit le projet de loi déposé ce jeudi par le ministre de la Justice et responsable de la protection des consommateurs, Simon Jolin-Barrette.
Le projet de loi protégeant les consommateurs contre l’obsolescence programmée et favorisant la durabilité, la réparabilité et l’entretien des biens établira des normes pour déterminer un chargeur universel pouvant s’utiliser avec tous les appareils électroniques vendus dans la province, une première en Amérique, peut-on lire dans un communiqué de presse.
D’autres mesures font partie du projet de loi, notamment l’interdiction de l’obsolescence programmée, ce moyen adopté par les fabricants pour limiter volontairement la durée de vie d’un appareil, la création d’une garantie de bon fonctionnement qui permet la réparation gratuite d’un bien, notamment les électroménagers, durant une période établie par la loi. Cette mesure vise donc à réduire la surconsommation de biens obsolescents, trop souvent remplacés quelques années plus tard et jetés à la poubelle.
Le droit du consommateur à la réparation sera également renforcé en ce sens qu’il pourra faire affaire avec le réparateur de son choix et les entreprises devront rendre disponibles les pièces de rechange ainsi que l’information nécessaire pour effectuer la réparation. Les outils utilisés pour réparer un bien doivent également être communs.
Le projet de loi touche aussi à l’industrie automobile. Le propriétaire d’un véhicule récent à problèmes pourra carrément demander l’annulation du contrat de vente ou obtenir une compensation financière pour le prix d’achat.
Réactions positives chez Équiterre
Du côté des organismes environnementaux, Équiterre a réagi de manière enthousiaste à l’ensemble de ces mesures visant à lutter contre l’obsolescence programmée. Selon l’analyste en réduction à la source Amélie Côté, en emboîtant le pas à d’autres pays européens qui ont mis en place des initiatives similaires, le Québec devient «un leader sur cet enjeu».
«Ce qui est prometteur, c’est qu’on veut agir sur le principal frein à la réparation, soit la conception même des objets. En rendant obligatoire la possibilité de remplacer et de réparer des pièces avec des outils communs, on force les fabricants à changer leurs pratiques. Il était plus que temps de renverser ce fardeau et de donner plus de pouvoir aux consommateur(trice)s», a-t-elle déclaré par voie de communiqué.
Le projet de loi aurait toutefois intérêt à être bonifié, croit Mme Côté. Celle-ci est d’avis qu’il gagnerait à inclure un indice de durabilité qui permettrait à la population d’avoir un accès à l’information quant à la qualité de certains produits.
Une inquiétude demeure aussi quant à la véritable force de frappe de ces nouvelles mesures auprès des entreprises si l’argent investi dans leur application n’est pas suffisant pour la faire respecter et punir les contrevenants. Un problème auquel fait actuellement face la loi actuelle.