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Le féminicide, un fléau planétaire

Daniel Casillas - Metro World News

La Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, célébrée vendredi, a pour but de sensibiliser les populations à cet enjeu mondial et à inciter les gouvernements à contrer ce fléau avant que davantage de vies soient perdues.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a récemment rendu publiques des statistiques stupéfiantes, qui nous apprennent qu’une femme sur trois a déjà été victime de violence.
Le féminicide, ou fémicide, est défini comme l’homicide volontaire d’une femme au seul motif qu’elle est une femme, selon l’OMS. Ce type de meurtre se classe en diverses catégories: féminicide intime, meurtre d’honneur, féminicide lié à la dot et féminicide non intime.

Une étude réalisée par l’OMS et l’École d’hygiène et de médecine tropicale de Londres indique que 35% des meurtres de femmes sont des féminicides intimes, c’est-à-dire des homicides commis par un conjoint ou un ex-conjoint.

Récemment, le viol et l’assassinat sauvage de Lucía Pérez, une adolescente de 16 ans, ont provoqué de nombreuses manifestations contre le féminicide partout en Argentine. La jeune fille a été abandonnée sans vie à proximité d’un centre médical de Mar del Plata après avoir été droguée, violée et empalée. Rapidement, le mot-clic #NiUnaMenos (pas une de moins) a commencé à circuler sur Twitter, tandis que des «grèves des femmes» étaient déclarées.

En Argentine seulement, une femme succombe à un acte de violence machiste toutes les 24 heures, et une autre appelle à l’aide chaque seconde.

Le mouvement de protestation qui a suivi la mort de Lucía Pérez a mis au jour le fléau de la violence faite aux femmes, qui est particulièrement préoccupant en Amérique latine.

Selon une enquête de la Faculté latino-américaine de sciences sociales, il s’agit de la région du monde où on compte le plus de meurtres de femmes. Le Salvador arrivait en tête de liste en 2012, avec 8,9 homicides pour 100 000 femmes, mais des pays comme la Russie, la Moldavie et la Lettonie présentent également un nombre inquiétant d’actes de violence contre les femmes.

«Il y a un nombre alarmant de féminicides en Espagne, aux États-Unis et au Canada (où des femmes amérindiennes et des prostituées sont surtout visées). En général, ce type d’homicide est lié à la traite des femmes à des fins d’esclavage sexuel. Mais il faut aussi parler des féminicides de type “coutumier”, qui existent en Inde ou en Chine et dans certaines contrées du Moyen-Orient», explique Héctor Domínguez-Ruvalcaba, professeur agrégé au département d’études hispaniques et portugaises de l’université du Texas.

«Nous observons une plus grande brutalité dans les sévices. Dernièrement, nous avons retrouvé des femmes mutilées et abandonnées dans des sacs.» – María de la Luz Estrada, coordinatrice de l’Observatoire national des féminicides, au Mexique

Autre sujet d’inquiétude: la violence à l’égard des femmes devient plus brutale, en particulier dans des pays comme le Mexique, où sévissent d’importantes organisations criminelles. «Nous sommes préoccupés par la violence extrême à laquelle elles font face», rapporte María de la Luz Estrada, coordinatrice de l’Observatoire national des féminicides, au Mexique.

Selon des rapports d’agences de sécurité comme InSight Crime, le crime organisé est responsable d’une part importante des féminicides en Amérique latine. De nombreuses femmes vivant dans des zones contrôlées par le crime organisé sont considérées comme la propriété des membres des gangs ou sont forcées de participer à des activités dangereuses, voire à prendre part à des affrontements contre des bandes rivales.

Les organisations de défense des droits des femmes demandent aux gouvernements d’intervenir pour protéger les femmes et incitent le public à dénoncer les féminicides. «Nous devons continuer à nous faire entendre. Nous devons lutter afin que la violence à l’égard des femmes cesse», conclut Mme Estrada.

Plusieurs manifestations contre la violence faite aux femmes ont eu lieu à Buenos Aires, en Argentine, comme ici, le 3 juin 2016. (Associated Press)

«Lutter contre les préjugés est une priorité»

Entrevue avec Héctor Domínguez-Ruvalcaba, professeur agrégé à l’université du Texas.

Faut-il parler d’une nouvelle vague de féminicides dans les pays d’Amérique latine?
Ce n’est pas une nouvelle vague, mais plutôt l’intensification et la propagation d’un phénomène qui a commencé dans les années 1980 durant la guerre civile au Guatemala. Le féminicide faisait alors partie de l’arsenal militaire employé par l’armée contre les populations autochtones. Il s’est étendu au début des années 1990 à Ciudad Juárez, au Mexique, puis au cours de la dernière décennie, aux autres pays de la région. Le phénomène est particulièrement marqué dans les États de Guerrero, de Veracruz et de México. On observe aussi des féminicides en Argentine et au Brésil.

Quels défis présente la lutte contre les féminicides?
Le principal défi est de mettre un terme aux activités des organisations internationales responsables de l’esclavage sexuel. Cela implique la corruption des agents publics. Étant donné le caractère transnational de ces organisations, il est urgent que l’application de la loi se fasse à l’échelle internationale.

Que devraient faire les gouvernements pour combattre ce fléau?
Dans bien des pays, les autorités ne sont pas vraiment portées à s’attaquer à la misogynie traditionnelle, et les institutions religieuses continuent de soutenir des conceptions machistes des choses. Lutter contre les préjugés et la corruption de ces groupes hégémoniques est une priorité.

Que peut-on faire pour mettre un terme aux féminicides?
Il est nécessaire d’augmenter la participation de la société civile et de demander, par l’intermédiaire d’une coalition internationale qui surveillerait les activités des gouvernements, une approche plus démocratique et plus humaine. Ce combat doit être celui de tous les citoyens, pas seulement celui des femmes. Les organisations féministes doivent également favoriser la participation des hommes et non la décourager, comme elles l’ont fait lors de certaines manifestations à México, où des leaders féministes ont repoussé des hommes. Alors que les mères des victimes occupent une place importante dans les mouvements de lutte contre les féminicides, les pères, les petits amis et les frères, eux, demeurent invisibles et bien souvent ne sont même pas reconnus comme des sujets en deuil.

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