Le président Ivan Duque a pris ses fonctions mardi à la tête de la Colombie, déterminé à durcir la politique de son prédécesseur envers les guérillas et à asphyxier diplomatiquement le gouvernement de Nicolas Maduro au Venezuela voisin.
Dauphin de l’ex-président Alvaro Uribe (2002-2010) qui est visé par une enquête de la Cour suprême, Ivan Duque a prêté serment pour le mandat de quatre ans auquel il a été élu le 17 juin, lors d’une cérémonie sur la place Bolivar, au coeur de Bogota.
Dès son discours d’investiture, il a réaffirmé ses promesses électorales, en annonçant des “correctifs” à l’accord de paix signé fin 2016 avec l’ex-guérilla des Farc, un durcissement des négociations avec l’ELN, dernière rébellion colombienne active, et envers son homologue vénézuélien.
“Pour le respect de la Colombie et le mandat que nous avons reçu, nous mettrons en oeuvre des correctifs pour assurer aux victimes vérité, justice proportionnée, réparation et non répétition”, a déclaré M. Duque à propos de l’accord qui a mis fin à plus d’un demi-siècle de conflit avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc), transformées en parti politique sous le même acronyme.
À propos des négociations menées depuis février 2017 avec l’Armée de libération nationale (ELN), dernière guérilla du pays, il a estimé qu’”un processus crédible doit se cimenter avec une cessation totale des actions criminelles, sous supervision internationale”.
À 42 ans, l’avocat et ex-sénateur Ivan Duque devient le plus jeune président de Colombie depuis 1872.
Il succède à l’impopulaire président de centre-droit Juan Manuel Santos qui, après huit ans et deux mandats, laisse un pays sur le chemin de la paix, mais où les plantations de coca, matière première de la cocaïne, sont au plus haut (209 000 hectares) et où les défenseurs des droits humains sont victimes d’une vague d’homicides.
L’opposition s’est mobilisée, au moment de la cérémonie d’investiture, dans plus d’une trentaine de villes du pays. Vêtus de blanc, brandissant des fleurs et des drapeaux colombiens, les manifestants ont exigé protection des activistes, dont 331 ont été assassinés depuis 2016, et respect de l’accord de paix historique qui, cette même année, a mis fin à une confrontation armée de 53 ans avec la plus ancienne rébellion du continent.
Ivan Duque, qui a comme vice-présidente la conservatrice Marta Lucia Ramirez, première femme à occuper ce poste après avoir été la première ministre colombienne de la Défense sous Alvaro Uribe, a le soutien d’une coalition de droite majoritaire au Parlement.
Mais il va devoir compter avec une opposition de gauche et du centre qui a accru sa représentation lors des élections législatives de mars dernier.
“Nous exprimons au nouveau gouvernement, toutes les forces d’opposition (…), qu’il y a ici un peuple qui ne supporte plus la violation du droit à la vie, que nous avons besoin que l’accord (de paix) soit correctement appliqué”, a déclaré l’ex-chef guérillero et parlementaire Marco Calarca.
Dix membres de l’ex-guérilla des Farc ont fait leur entrée au Parlement le 20 juillet sans avoir été élus, comme prévu par l’accord de paix.
Malgré sa très récente carrière politique qui l’a amené au Sénat il y a seulement quatre ans, Ivan Duque a été désigné par l’influent Alvaro Uribe pour permettre à la droite dure, opposée à l’accord de paix, de revenir au pouvoir. Il refuse notamment que d’anciens guérilleros accusés de crimes graves participent à la vie politique sans passer par la prison.
Mais l’affaire qui éclabousse son mentor pourrait affecter son gouvernement. Sénateur et chef du Centre démocratique, le parti d’Ivan Duque, M. Uribe est soupçonné d’avoir tenté de soudoyer des témoins contre un opposant politique, le sénateur de gauche Ivan Cepeda, dans un dossier qui remonte à 2012.
L’ex-président, qui clame son innocence, est convoqué le 3 septembre devant la Cour suprême, la plus haute juridiction du pays, qui mène les investigations sur les parlementaires.
Sur le front intérieur aussi, l’ELN n’a pas encore réagi aux déclarations de M. Duque concernant les négociations de paix menées depuis février 2017.
Soulignant que “le chemin parcouru est très significatif”, le commandement de cette guérilla de quelque 1 500 combattants s’était dit prêt à poursuivre les discussions.
Mais les conditions du nouveau président, déjà évoquées pendant sa campagne, ont peu de chances, selon les analystes, d’être acceptées par la guérilla de l’ELN, issue comme les Farc d’une insurrection paysanne en 1964 et encore forte de 1 500 combattants.
Autre dossier brûlant: les relations avec le voisin vénézuélien. M. Maduro, qui affirme avoir été visé samedi par un attentat commis avec deux drones chargés d’explosif, a directement accusé son homologue colombien sortant. “Absurde”, a répondu Bogota.
À première vue, rien ne devrait s’arranger entre ces deux pays qui partagent 2 200 km de frontière. M. Duque a lancé mardi un avertissement voilé au régime vénézuélien, qu’il a déjà qualifié de “dictature” à plusieurs reprises.
“En défense des valeurs démocratiques, nous rejetons toute forme de dictature sur le continent américain, nous le dénonçons et nous appelons les choses par leur nom”, a-t-il déclaré sans nommer directement Nicolas Maduro.
M. Duque avait auparavant promis d’oeuvrer à “une stratégie articulée, multilatérale et diplomatique pour une transition vers des élections libres au Venezuela”.