Au moins cinq personnes ont été tuées mardi dans l’attaque, toujours en cours, perpétrée par un commando d’islamistes radicaux somaliens shebab dans un complexe de Nairobi regroupant un hôtel, des restaurants et des immeubles de bureaux.
Un photographe de l’AFP a vu les cadavres affalés sur leurs tables de cinq victimes, à la terrasse d’un restaurant du complexe. Non loin, le photographe a également vu le corps d’un kamikaze qui avait fait exploser sa ceinture d’explosifs.
Cette «attaque coordonnée», selon les termes du chef de la police kényane, Jospeh Boinnet, a été revendiquée très rapidement par les shebab.
Le modus operandi ressemble à celui d’autres attaques perpétrées par les shebab à Mogadiscio: une bombe explose (soit un kamikaze soit une voiture piégée) et dans la foulée, un commando pénètre dans l’établissement visé pour faire le plus de victimes possible.
Le chef de la police kényane a confirmé qu’au moins un kamikaze s’était fait exploser non loin de l’entrée de l’hôtel Dusit. Le complexe DusitD2 est situé dans un quartier verdoyant où de nombreux immeubles de bureaux sont venus, ces dernières années, progressivement remplacer des résidences individuelles et leurs jardins manucurés.
M. Boinnet a précisé que six des sept étages de l’hôtel Dusit, qui compte une centaine de chambres, avaient été sécurisés.
Il a toutefois ajouté que d’autres bâtiments alentour devaient encore l’être.
L’hôtel est la propriété du groupe thailandais Dusit Thani.
Barricadés dans les bureaux
Sur place, des journalistes de l’AFP pouvaient entendre des coups de feu sporadiques, près de six heures après le début de l’attaque.
Pendant plus d’une heure après le début de l’attaque, ce sont des tirs nourris qui ont émergé du complexe, laissant craindre le pire.
La brigade antiterroriste est arrivée peu de temps après le début de l’attaque, à bord d’un véhicule blindé. Une équipe de déminage a fait exploser dans l’après-midi le véhicule à bord duquel le commando était arrivé.
De nombreux Occidentaux lourdement armés, vraisemblablement des militaires rattachés à des ambassades à Nairobi, étaient visibles sur place aux côtés des forces de l’ordre kényanes.
Peu après le début de l’attaque, un garde kényan d’une compagnie de sécurité privée travaillant sur place avait affirmé à l’AFP avoir vu «quatre bandits» à bord du véhicule, en sortir et poursuivre leur chemin à pied.
Au plus fort de la fusillade mardi après-midi, Simon Crump, qui travaille dans le complexe, décrivait au téléphone à l’AFP comme de nombreux employés s’étaient barricadés dans leurs bureaux.
«Nous n’avons aucune idée de ce qui se passe. Les tirs viennent de plusieurs directions à la fois», avait-il rapporté, ajoutant que tout le monde était «terrifié». M. Crump et ses collègues ont ensuite été évacués par les forces de l’ordre tout comme de très nombreuses personnes du complexe et des immeubles voisins.
«Un éclair de lumière»
John Maingi a pour sa part vu «un éclair de lumière» et entendu «une forte explosion» au niveau du restaurant Secret Garden, où il travaille. «Quand j’ai regardé à l’extérieur, j’ai aperçu une jambe qui avait été arrachée. Nous nous sommes cachés dans une chambre et les policiers sont ensuite venus nous secourir».
Le Kenya a déjà été la cible d’attentats jihadistes de grande ampleur.
Le 7 août 1998, un attentat, revendiqué par Al-Qaïda, contre l’ambassade américaine à Nairobi avait fait 213 morts et 5000 blessés.
Depuis l’entrée en octobre 2011 de l’armée kényane en Somalie pour combattre les islamistes somaliens shebab, affiliés à Al-Qaïda, le pays a été durement touché.
Le 21 septembre 2013, un commando islamiste avait pris d’assaut le centre commercial Westgate à Nairobi avant d’être éliminé après 80 heures de siège, faisant 67 morts.
Le 2 avril 2015, un commando avait abattu de sang-froid 148 personnes dans l’université de Garissa (est), pour la plupart des étudiants.
Chassés de Mogadiscio en 2011, les shebab ont ensuite perdu l’essentiel de leurs bastions. Mais ils contrôlent toujours de vastes zones rurales d’où ils mènent des opérations de guérilla et des attentats-suicides y compris dans la capitale.
Ils ont juré la perte du gouvernement somalien, soutenu par la communauté internationale et par les 20 000 hommes de la force de l’Union africaine en Somalie (Amisom), à laquelle le Kenya contribue.
Cette attaque intervient trois ans jour pour jour après celle de la base militaire kényane d’El Adde, dans le sud de la Somalie. Les shebab, vidéo à l’appui, avaient revendiqué avoir tué près de 200 militaires kényans, ce que les autorités kényanes ont toujours démenti.
Lundi, un tribunal kényan a par ailleurs ordonné que trois hommes, soupçonnés de complicité avec les auteurs de l’attaque du Westgate (eux-mêmes tués dans l’assaut de la police) soient prochainement jugés, près de cinq ans après les faits.