Monde

Législatives: la démocratie façon nord-coréenne 

Un électeur s'enregistre pour voter en Corée du Nord. Photo: Ed Jones/AFP

Rédaction - Agence France-Presse

Les Nord-Coréens se sont rendus aux urnes dimanche pour des élections dont il ne sortira qu’un seul vainqueur.

La formation de Kim Jong Un, le Parti des travailleurs au pouvoir, dirige d’une main de fer la République populaire démocratique de Corée (RPDC), nom officiel du pays reclus armé de la bombe atomique.

Tous les cinq ans cependant, se tiennent des élections législatives pour désigner les membres de l’Assemblée suprême du peuple, le Parlement nord-coréen.

Conformément à l’un des slogans préférés à Pyongyang, «unis dans le même esprit», les bulletins de vote ne comportent qu’un seul nom par circonscription, dûment approuvé au préalable.

Les électeurs peuvent s’ils le souhaitent barrer ce nom avant de voter mais en pratique, personne ne le fait. 

Des portraits du père et du grand-père de l’homme fort de Pyongyang, Kim Jong Il et Kim Il Sung, trônaient en bonne place dans les bureaux de vote.

A 18h00, l’agence officielle KCNA rapportait que tous les électeurs dans toutes les circonscriptions avaient voté, «à l’exception de ceux se trouvant à l’étranger ou travaillant en mer».

Lors des dernières élections en 2014, le taux de participation s’était élevé à 99,97%, selon KCNA. Les candidats avaient obtenu 100% des voix, un résultat inégalé ailleurs dans le monde.

«Dans notre société, le peuple est rassemblé autour du Leader suprême respecté dans un même esprit», dit à l’AFP Ko Kyong Hak, assesseur présent dans l’usine de câbles de Pyongyang 3.26 (du 26 mars). Participer au scrutin est obligatoire, a-t-il souligné. «Et personne ne rejette les candidats».

Un message martelé par Rodong Sinmum, le journal du parti.  Les électeurs «doivent prouver avec leur bulletin leur loyauté au parti et au leader, leur soutien absolu au gouvernement de la RPDC et leur volonté de partager jusqu’au dernier leur destin avec le socialisme».

En l’absence totale de compétition électorale, les analystes estiment que l’exercice tient lieu de rite qui permet aux autorités de revendiquer un mandat populaire.

Le vote résulte «de l’inertie institutionnelle et du besoin de légitimer le gouvernement en simulant des procédures démocratiques», juge Andrei Lankov, du Korea Risk Group.

Les États communistes d’inspiration soviétique ont traditionnellement organisé des élections, même si les partis dirigeants ont ignoré leurs propres engagements à tenir des congrès réguliers, fait-il valoir. Le Parti des travailleurs de Corée du Nord s’est passé de Congrès pendant près de 40 ans.

«La Corée du Nord ne fait qu’imiter les autres États communistes», dit-il. «Les premiers communistes pensaient sincèrement créer une nouvelle démocratie jamais vue dans le monde. Ils avaient donc besoin d’élections et elles sont devenues une étape importante de l’auto-légitimation».

Le dernier gouvernement important d’un grand pays à se passer totalement d’élections fut celui de l’Allemagne nazie, fait-il remarquer.

Pour ces élections, la Corée du Nord est divisée en circonscriptions. En 2014, il y en avait 686.

Kim Jong Un était candidat au Mont Paektu, un volcan qui sommeille à la frontière avec la Chine révéré comme le berceau spirituel du peuple coréen. D’après KCNA, il avait remporté 100% des voix, avec un taux de participation de 100%.

Certains sièges sont réservés à deux formations mineures, le Parti social-démocrate de Corée et le Parti chondoïste Chongdu, qui tire ses racines d’un mouvement religieux coréen du XXe siècle.

Les deux partis appartiennent à la même alliance que le parti au pouvoir. D’après les analystes et les diplomates, ils n’ont pas d’existence réelle, ne comptant que de petits bureaux à des fins de propagande.

Malgré tout, la participation au vote, comme tous les «rituels obligatoires» en Corée du Nord, renforce la loyauté des gens envers le gouvernement et l’unité sociale car les êtres humains «adorent les symboles», poursuit M. Lankov.

La situation est singulièrement différente de l’autre côté de la Zone démilitarisée (DMZ) qui divise la péninsule, où la présidente sud-coréenne Park Geun-hye fut destituée en 2017 à la suite d’un vaste scandale de corruption.

Pour les Nord-Coréens ayant fait défection, le système électoral sud-coréen est «une vraie nouveauté», dit Sokeel Park, du groupe militant Liberté en Corée du Nord.

«L’idée de pouvoir voter pour le camp vainqueur ou le camp perdant, et qu’on ne le saura pas avant les résultats, est énorme».

En attendant, les opérations de vote se sont tenues dans une atmosphère de carnaval à Pyongyang, où des enfants vêtus de foulards rouge encourageaient les électeurs à faire leur devoir. Des fanfares se produisaient dans les bureaux de vote, où les électeurs patientaient selon un ordre numérique déterminé des jours à l’avance.

Kuk Dae Kwon, étudiant en architecture de 18 ans, s’est dit ravi de voter pour la première fois. Les Nord-Coréens expriment toujours leur soutien total aux autorités quand ils parlent aux médias étrangers et M. Kuk a déclaré à l’AFP: «nous consolidons notre unité d’esprit autour du Leader suprême et démontrons les avantages de notre socialiste au monde entier».

Articles récents du même sujet

Exit mobile version