Les partisans de l’opposant vénézuélien Juan Guaido se dirigeaient samedi « en paix » vers les casernes pour exhorter une nouvelle fois l’armée à lâcher Nicolas Maduro, le président qui a appelé les troupes à être « prêtes » en cas d’attaque américaine.
« L’objectif est de porter notre message sans tomber dans la confrontation, ni la provocation », a écrit Juan Guaido sur Twitter samedi. Et le chef de file de l’opposition d’appeler les Vénézuéliens à remettre un tract destiné aux soldats pour les inciter à tourner le dos à Nicolas Maduro et à le rejoindre, tout en leur promettant l’amnistie.
Dans la matinée, de petits groupes se dirigeaient vers les différentes bases militaires de Caracas, dont celle de La Carlota, d’où Juan Guaido avait appelé mardi à un soulèvement militaire qui a finalement avorté.
« Je ne pense pas que cela fasse basculer l’armée, mais ça y contribue », a dit à l’AFP Marcos Rodriguez, un avocat de 24 ans.
Les appels du pied de plus en plus pressants de Juan Guaido à l’armée s’expliquent par le poids de cette institution dans l’équilibre du pouvoir au Venezuela. Elle tient le secteur du pétrole, poumon économique du pays, et plusieurs ministères. Jusqu’à maintenant, l’état-major est resté fidèle à Nicolas Maduro.
Le président socialiste, honni de l’administration Trump, a, lui, appelé samedi l’armée à être « prête » pour l’éventualité d’une attaque de l' »empire nord-américain », lors de l’inspection d’une base dans le nord-ouest du pays.
« Union, cohésion, discipline, obéissance, subordination et loyauté maximale à la Constitution, à la patrie, à la révolution et au commandant en chef légitime », a encore ordonné Nicolas Maduro aux troupes.
Washington tente à tout prix de le pousser vers la sortie au profit de Juan Guaido. Mercredi, le secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo a déclaré qu’une « intervention militaire est possible (au Venezuela, ndlr). Si c’est nécessaire, c’est que ce feront les Etats-Unis ».
Pour Juan Guaido et ses partisans, le président vénézuélien, au pouvoir depuis 2013, est un « usurpateur » qui se maintient sur la base des résultats de l’élection présidentielle « frauduleuse » de l’an dernier. Juan Guaido s’est proclamé président par intérim le 23 janvier et est reconnu comme tel par une cinquantaine de pays dont les Etats-Unis.
Son appel au soulèvement de mardi a déclenché des manifestations-monstres, en marge desquelles de violents heurts se sont produits. Au moins quatre personnes sont mortes et 200 autres ont été blessées, selon Amnesty International, pendant les affrontements entre les forces de l’ordre et les manifestants anti-Maduro mardi et mercredi.
Le mécontentement populaire est alimenté par la pire crise de l’histoire récente du pays, où l’inflation pourrait atteindre 10.000.000% cette année.
« Traîtres »
Le président vénézuélien a lancé une chasse aux « traîtres » dès mardi soir, lorsqu’il a affirmé avoir déjoué une « escarmouche putschiste » entreprise par le petit groupe de militaires entrés en rébellion pour rejoindre Juan Guaido lors de son allocution depuis la base militaire de La Carlota.
Quelque 25 militaires rebelles ont demandé l’asile aux ambassades du Brésil et du Panama et une des figures de l’opposition, Leopoldo Lopez, s’est réfugié dans celle d’Espagne.
Le procureur général vénézuélien Tarek William Saab a annoncé vendredi avoir lancé 18 mandats d’arrêt contre des civils et des militaires impliqués dans le soulèvement raté. « Ils seront sanctionnés sévèrement car ce sont des traîtres à la patrie », a-t-il affirmé, sans citer les noms des personnes recherchées.
« Echange positif » Trump-Poutine
Le président américain Donald Trump a pour sa part, de manière surprenante, vanté un « échange très positif » avec son homologue russe Vladimir Poutine sur le Venezuela, dossier sur lequel les deux pays s’accusent mutuellement de jouer un jeu dangereux.
Le ton monte depuis plusieurs mois entre Washington, qui soutient M. Guaido et réclame le départ de M. Maduro, et Moscou qui accuse les Etats-Unis d’essayer d’organiser un « coup d’Etat » au Venezuela.
M. Trump a adopté un ton particulièrement conciliant vis-à-vis de Moscou, qui tranche singulièrement avec celui de ses principaux conseillers et du département d’Etat.
« Vladimir Poutine ne cherche pas du tout à s’impliquer au Venezuela au-delà du fait qu’il aimerait voir des développements positifs », a-t-il assuré depuis le Bureau ovale. « Nous avons eu une conversation très positive », a-t-il insisté.
Le compte-rendu du Kremlin, qui a tenu à souligner que l’appel avait eu lieu à l’initiative de Washington, était de son côté très éloigné de la tonalité de l’hôte de la Maison Blanche. « L’ingérence dans les affaires intérieures, les tentatives de changement par la force du pouvoir à Caracas sapent les perspectives d’un règlement politique du conflit », a mis en garde Moscou.