Véritable phénomène dans les métropoles mondiales, les trottinettes électriques en libre service sont apparues à Paris après la fête de la musique de juin 2018, avant d’envahir la capitale, transformant un succès fulgurant en casse-tête pour les autorités.
Bon marché, largement disponibles, facilement utilisables avec un simple smartphone: cochant toutes les cases, les trottinettes électriques sont devenues incontournables en un éclair.
Mais leur multiplication anarchique, sans aucune règlementation au début, s’est vite transformée en cauchemar: des piétons terrorisés, des trottinettes stationnées n’importe où et un nombre croissant d’accidents.
«Ça s’est fait de manière très rapide et un peu anarchique», résume la ministre française des Transports Elisabeth Borne. «C’est effectivement devenu la loi de la jungle».
Les trottinettes seraient actuellement 20.000 environ à Paris et leur nombre devrait doubler d’ici à la fin de l’année.
Mais la Ville de Paris, d’abord prise de court, a finalement mis un sérieux coup de frein à un développement devenu chaotique.
Début juin, la capitale annonçait l’interdiction faite aux trottinettes de stationner sur les trottoirs et demandait aux opérateurs de limiter la vitesse à 20 km/h dans toute la capitale, voire 8 km/h sur les zones piétonnes.
Paris imitait ainsi d’autres villes du monde également envahies par les trottinettes.
Le phénomène est apparu en septembre 2017 en Californie quand une start-up appelée Bird a commencé à les proposer à Santa Monica. Six mois plus tard, c’était au tour de San Francisco et, en mai 2018, une société concurrente, Lime, a fait son entrée sur le marché.
En quelques mois, les deux start-up ont essaimé à Paris puis sur l’ensemble de l’Europe, au Moyen-Orient, en Asie et en Amérique Latine. Aujourd’hui, Lime et Bird sont les premiers sur le marché.
«Il s’agit du développement le plus rapide dans l’histoire des nouvelles mobilités», rappelle Joel Hazan, directeur France de la société de conseil Boston Consulting Group. «C’est devenu un phénomène planétaire en deux ans».
Face à cette déferlante aux allures d’invasion, San Francisco a réagi moins de deux mois après l’apparition des trottinettes en les interdisant tout simplement dans un premier temps, avant de finalement les autoriser mais en nombre limité et dans le cadre d’une période d’essai avec deux opérateurs.
D’autres villes ont suivi. New York les a interdites, dans l’attente d’une nouvelle législation; Chicago a lancé une période d’essai de quatre mois avec dix opérateurs; Lisbonne a établi des zones de stationnement interdit; Madrid exige l’obtention de permis par les opérateurs et, au Brésil, les usagers doivent passer un test avant de pouvoir conduire une trottinette électrique.
«Les responsables politiques les plus clairvoyants les interdisent, pas définitivement, mais juste le temps de les mettre en place de manière efficace, contrôlée et organisée, et en coordination avec les autres modes de transport», explique M. Hazan.
À Londres, les trottinettes électriques sont interdites à la fois sur la chaussée et les trottoirs si l’utilisateur n’a pas de permis, une assurance, un casque, une plaque d’immatriculation et s’acquitte d’une taxe.
Et cette loi est strictement appliquée. L’an dernier, un adolescent de 15 ans a été sanctionné sur le permis de conduire qu’il ne possède pas encore après avoir conduit une trottinette à grande vitesse.
A Singapour, une nouvelle loi oblige les trottinettes à être immatriculées, les contrevenants risquant une amende de 1500 dollars de Singapour (1300 euros) ou trois mois de prison.
La vitesse est de plus strictement limitée à 10 km/h, et très souvent contrôlée, tandis que tout stationnement non autorisé, aussitôt dénoncé par des GPS-mouchards, est verbalisé.
«Les villes tentent d’imposer des règlementations beaucoup plus sévères», explique Philippe Crist, conseiller au Forum international des transports de l’OCDE.
Paris «n’a pas les pouvoirs réglementaires d’interdire et avait alerté le gouvernement il y a un an pour que des dispositions soient prises», selon la ville de Paris.
La sévérité a payé: à Singapour, «le stationnement des trottinettes électriques est beaucoup moins anarchique», souligne M. Crist.
«L’immatriculation des trottinettes électriques vise à empêcher toute conduite dangereuse et à renforcer la sécurité pour l’ensemble des usagers», expliquent les autorités singapouriennes des transports.
La sécurité est en effet le problème numéro un. Des personnes âgées renversées, des piétons les membres dans le plâtre ou des conducteurs blessés voire tués dans des accidents de la route: les exemples sont nombreux mais il n’existe «aucune donnée fiable sur les accidents», précise le Conseil européen pour la sécurité des transports, basé à Bruxelles, dans un rapport publié le mois dernier.
«Les villes ont été conçues pour l’automobile et la question dorénavant est de savoir comment on partage l’espace dédié aux voitures afin d’en créer pour les piétons, les vélos et les trottinettes électriques», estime M. Hazan.
«La sécurité ne fonctionnera que si l’on peut diviser l’espace», juge-t-il: un pour les automobiles et les bus, un pour les vélos et les trottinettes et un troisième pour les piétons.
«Trois vitesses différentes, trois espaces différents».