Recep Tayyip Erdogan aime les femmes, mais au foyer. Et avec au moins trois enfants. Le président turc se défend d’être machiste. Il est mal cité. Les médias le «calomnient». Vieille rengaine usée jusqu’à la corde.
«Notre religion [l’islam] a défini une place pour les femmes [dans la société]: la maternité», a encore répété l’homme fort de la Turquie lundi dernier.
À l’évidence, il ne partage pas l’opinion du pape François qu’il a accueilli ce week-end à Ankara et selon qui les femmes sont «la plus belle chose que Dieu ait créée».
Erdogan est un pieux musulman. Il ne boit pas et n’a sans doute jamais goûté au Tugra Öküzgözü, ce fruité vin rouge d’Anatolie. Son machisme se déverse naturellement, à flots réguliers.
L’avortement pour lui est un «meurtre», même si l’interruption de la grossesse est légalisée depuis une trentaine d’années.
L’an dernier, alors qu’il était premier ministre, Erdogan s’inquiétait de la mixité entre les jeunes. «Personne ne sait ce qui se passe dans les résidences étudiantes. Peut-être qu’il s’y passe des choses douteuses.»
Avait-il encore été mal cité? Il n’est pas le seul à s’en prendre aux femmes. Bülent Arinç, son vice-premier ministre, a déjà exhorté les Turques à rester «décentes» en évitant de «rire à gorge déployée devant tout le monde». Inutile de préciser qu’elles doivent aussi veiller à leur chasteté afin de demeurer «bonnes à marier». Mais encore… Elles ne doivent pas abuser du téléphone portable.
Et ensuite? Erdogan est souvent accusé de vouloir islamiser son pays, pourtant officiellement laïc depuis 1924. Le port du voile est désormais autorisé dans la fonction publique et au Parlement où en 1999, Merve Kavakçi, élue sur une liste pro-islamiste, avait été obligée de quitter l’hémicycle sous les huées des députés parce qu’elle s’était présentée avec le foulard islamique.
Dans un pays où les femmes ont obtenu le droit de vote en 1934 – six ans avant les Québécoises – les «sorties» d’Erdogan contre un peu plus de la moitié des 75 millions de Turcs font sourciller l’Union européenne. Faut-il accueillir un pays qui se définit de plus en plus comme islamo-conservateur et dont le président répète que les femmes ne peuvent pas être les égales des hommes?
Si Erdogan est accusé de ramener son pays vers le passé, un Turc sur deux lui accorde une confiance presque aveugle. Il a été maire d’Istanbul, premier ministre et est aujourd’hui président. Grâce à lui, son pays se porte mieux économiquement.
Croissance plus islam sont ses maîtres mots. Ses fidèles le vénèrent. Ses adversaires le haïssent. Il est le nouveau sultan de la Turquie.
Erdogan a accueilli le pape François dans son nouveau palais. Il aurait coûté 650 M$. Il symbolise au moins la grandeur de son pouvoir.