L’éco-ville chinoise de Tianjin compte devenir la plus grande cité du genre. Le projet, conçu pour accueillir des milliers d’habitants, pourrait toutefois échouer s’il ne séduit pas assez de résidants potentiels.
Il faut beaucoup d’imagination pour croire que c’est ici, sur des terres salines coincées entre une zone industrielle lugubre et un bord de mer pollué, que l’avenir urbain de la Chine s’édifiera.
C’est pourtant ce qui est prévu. On est en train de bâtir à partir de zéro, à 150 km à l’est de Beijing, la première ville spécialement conçue pour respecter l’environnement. D’ici 2020, 350 000 personnes devraient en peupler les 30 km2.
À quel point Tianjin est-elle particulière? Certes, elle n’est pas aussi révolutionnaire que le prétend la propagande placardée sur les clôtures des chantiers, mais la plupart des efforts environnementaux prévus dans sa conception sont significatifs.
Ici, on ne verra aucun de ces immeubles de bureaux en verre qu’on trouve ailleurs en Chine et dont la consommation énergétique est colossale. Tous les bâtiments de Tianjin auront de plus petites fenêtres et des murs plus épais afin de retenir la chaleur.
Les concepteurs de la cité entendent aussi réduire les distances de déplacement entre les bureaux et les maisons, et attirer des entreprises carboneutres. La plus importante société d’animation chinoise, qui vend des dessins animés de kung-fu au Moyen-Orient, en Indonésie, en Iran et au Portugal, a récemment déménagé ses studios dans la municipalité.
Les dépliants de l’éco-ville vantent en outre les appartements «équipés des machines à laver, des toilettes et des douches les moins gourmandes en eau». En raison de l’important investissement que doit fournir la ville pour traiter l’eau polluée, le prix de l’eau a doublé dans la région. Les résidants feront donc de toute façon attention de ne pas la gaspiller.
«Notre objectif est de produire 20 % de notre électricité à partir de sources d’énergie renouvelable, comme les Européens prévoient le faire d’ici 2020», déclare Yan Xu, l’une des «gestionnaires communautaires de l’éco-ville».
Cette chaleureuse représentante locale agit à titre de négociatrice entre des promoteurs avides et des chercheurs écoresponsables. «Nous avons installé d’immenses panneaux solaires et nous espérons qu’ils seront bientôt reliés au réseau électrique. La plupart des toits des bâtiments disposent déjà de systèmes de chauffage d’eau alimentés à l’énergie solaire. Malheureusement, le reste de notre électricité provient des centrales électriques au charbon du Heilongjiang, dans le nord-est de la Chine.» L’électricité produite localement alimente la zone industrielle de la ville.
Le gouvernement central a promis de construire des villes similaires ailleurs en Chine, et ces petites améliorations pourraient avoir une grande incidence dans un pays où la construction est un des principaux moteurs de la croissance (la moitié des grues du monde se trouveraient en Chine).
Néanmoins, le succès de Tianjin n’est pas assuré. «Nous n’avons vendu que six appartements le mois dernier. Ce ne sont pas les panneaux solaires et les éoliennes qui vont attirer les Chinois. Il faut aussi que les logements soient confortables et abordables», explique Hailong, un jeune agent immobilier de la région.
Son équipe vend des appartements meublés dont le prix au mètre carré oscille entre 8 000 et 10 000 yuans (1 260 et 1 580 $US). Et même si 6 500 appartements seront achevés cet été, les objectifs de vente pourraient bien ne pas être atteints.
«Nous regrettons les nouvelles réglementations nationales qui restreignent la spéculation et brident le marché immobilier.» Celles-ci empêchent en effet les gens d’obtenir des prêts pour acheter une deuxième ou une troisième maison. Ceux qui peuvent s’offrir un appartement à Tianjin vont donc sans aucun doute y vivre. «C’est un peu risqué de leur demander d’agir en se souciant de la durabilité», déclare Hailong tandis que nous visitons son appartement-témoin… où la température est réglée à 30 °C.
La longue marche vers l’écologie
Moins pratique, trop idéaliste, Dongtan, sur l’île de Chongming, non loin de Shanghai, a été présentée à une époque comme le projet phare en matière d’éco-villes chinoises. Dongtan était censée produire son électricité et dépendre uniquement de l’agriculture biologique. En dépit de l’intérêt qu’elle a suscité, rien ne s’est produit. Elle est aujourd’hui considérée comme un «chef-d’œuvre d’écoblanchiment».
La même chose s’est produite avec Tangshan. Ce projet très célébré d’éco-ville a été annoncé en 2008, mais n’a pas réussi à intéresser les investisseurs et a fini par capoter.
Cap sur 2020 : l’éco-ville de Tianjin
- L’éco-ville de Tianjin comptera 350 000 résidants d’ici 2020.
- Le gouvernement local a signé une entente avec celui de Singapour ainsi qu’avec des compagnies occidentales afin de profiter des meilleures technologies vertes.