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Frousse de chasseuse de tornades

Photo: Collaboration spéciale
Simon Bousquet-Richard - simon.bousquet-richard@tc.tc

Coincée dans les débris, sous une tempête de grêle ou dans un embouteillage alors qu’un tourbillon fonce droit sur elle: depuis qu’elle chasse les tornades, Jolyane Limoges a craint pour sa vie à quelques reprises. Il faut dire qu’elle joue constamment avec la mort.

«Quand ça m’arrive, je me demande toujours pourquoi je fais ça», affirme la jeune femme de 33 ans, passionnée de tornade.

Débris mortels
L’une des tornades les plus effrayantes que Mme Limoges a aperçues est celle qui a fait 24 morts et 387 blessés en mai 2013, à Moore, en Oklahoma.

Lors de sa toute première chasse aux tornades, la jeune femme a bénéficié de la chance du débutant. Même si elle a été prise dans une tempête de grêlons gros comme des balles de golf et que le tourbillon est passé très près d’elle, la contournant littéralement, elle s’en est sortie saine et sauve.

Durant cette tempête, les vents qui ont soufflé à près de 350km/h ont détruit plus d’un millier de maisons, soulevant des voitures et des bateaux sur leur passage. Ces débris sont d’ailleurs parmi les dangers les plus menaçants pour les chasseurs de tornade.

«Une tornade qui passe dans un champ soulève juste une petite poussière verdâtre, mais quand ça rentre dans une ville, ça devient noir. C’est là qu’on sait qu’il y a des dommages. J’ai vu des maisons éclater en morceaux. Je hurlais», raconte Mme Limoges.

Il n’y a pas que les débris projetés qui sont dangereux. Ceux au sol peuvent aussi empêcher les chasseurs de se déplacer, en crevant les pneus ou en bloquant le passage. Il faut donc toujours s’assurer d’avoir une échappatoire.

«Il y a des planches, des arbres, du verre et des matériaux isolants partout. Je me souviens d’un endroit où il y avait des fils électriques qui faisaient des étincelles, juste à côté d’une fuite de gaz. J’avais peur que ça explose», raconte-t-elle.

Conduite dangereuse
La course effrénée et les embouteillages causés par les populations qui fuient les tornades sont aussi dangereux que les débris pour les chasseurs.

«Au début, les gens respectent le Code de la route, mais à un certain point, ça devient le “free for all”. Les gens veulent sauver leur peau», explique Mme Limoges.

Lors de la tornade de Moore, Mme Limoges avait dû se frayer un chemin en passant sur les devantures de maison, sautant les bandes de trottoirs avec sa voiture compacte.

«Je hurlais, j’étais sûr que j’allais mourir. Je n’ai même plus de parechoc. Je ne sais pas tout ce que j’ai frappé», soutient-elle.

Seulement quelques jours après ces événements, une seconde tornade mortelle avait frappé à quelques kilomètres de là, dans la ville d’El Reno. Trois chasseurs expérimentés avaient alors perdu la vie.

Pour échapper aux vents qui fonçaient droit sur l’embouteillage où elle était coincée, Mme Limoges a dû emprunter l’autoroute en sens inverse. Quelques automobilistes emportés par le tourbillon ont d’ailleurs péri à cet endroit.

Depuis qu’elle chasse, cette tornade est celle qui l’a le plus effrayée, notamment en raison de son imprévisibilité. Ce n’est toutefois pas le seul orage au comportement est hors du commun, que la jeune femme a dû affronter.

En avril dernier, alors qu’elle chassait avec son conjoint, la jeune femme a vu une tornade traverser la ville de Baxter Spring, au Kansas. Le couple venait à peine d’emprunter le même parcours.

«C’est rapide. Si nous n’avions pas pris la bonne décision, nous aurions été coincés sur la rue et nous n’aurions pas pu faire demi-tour», estime Mme Limoges.

Amour des tornades
Lors de cette tornade qui a blessé 34 personnes, l’infirmière s’est d’ailleurs aventurée dans la ville à la recherche de survivants. Elle est alors venue en aide à une fillette qui s’était lacérée les pieds avec du verre en voulant fuir sa maison, détruite par les vents.

«Quand nous sommes entrés dans la ville, il y avait des enfants qui avaient le visage noir. Les gens étaient sous le choc. Ils pleuraient, ils appelaient leurs proches et hurlaient beaucoup», se souvient Mme Limoges, qui se dit attristée lorsque les tempêtes font des victimes.

Malgré toutes ses mésaventures, la jeune femme conserve un amour viscéral pour les géants de vent.

«C’est spectaculaire. Il y a des nuages qui font des tourbillons, qui ressemblent à des vaisseaux spatiaux ou à des explosions nucléaires. La grêle est vert fluorescent. On dirait que ça irradie. C’est tellement beau», s’exclame Mme Limoges.

Il n’y a pas que la tempête qui excite la jeune femme, elle adore le calme étrange qui la suit.

«L’odeur est indescriptible. Ça sent un mélange de bois et d’isolant mouillé. Les fuites de gaz donnent l’impression que l’air ondule et il y a des fils électriques qui bourdonnent», raconte Mme Limoges.

À lire aussi: Une chasseuse de tornades à Montréal-Nord

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