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Démembrement: victime et suspect se connaissaient

Andy Blatchford, Laurence Hallé et Sidhartha Banerjee - La Presse Canadienne

MONTRÉAL – La victime du meurtrier présumé Luka Rocco Magnotta a été identifiée vendredi. Il s’agit du ressortissant chinois de 33 ans Jun Lin, un étudiant de l’université Concordia, à Montréal, mais également un employé modèle qui ne ratait jamais un quart de travail, jusqu’à ce qu’il disparaisse la semaine dernière.

En entrevue à La Presse Canadienne, l’ancien patron de M. Lin, le propriétaire de dépanneur Kankan Huang, a décrit son employé comme un caissier responsable et poli qui était courtois avec ses clients d’un quartier difficile de Montréal.

M. Huang a dit s’être douté que quelque chose n’allait pas quand il s’est rendu compte que son caissier à temps partiel — son seul employé —, ne s’était pas présenté au travail vendredi dernier.

Il a expliqué que M. Lin avait complété un quart de travail au dépanneur la veille de sa disparition. C’est la dernière fois où il dit l’avoir vu.

Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) a révélé vendredi l’identité de M. Lin. Le porte-parole du SPVM, Ian Lafrenière, a dit ignorer à quel moment lui et M. Magnotta ont fait connaissance. Il est toutefois évident, a-t-il précisé, que les deux hommes entretenaient une relation et que ce meurtre n’a pas été commis au hasard.

M. Magnotta fait désormais l’objet d’un mandat d’arrêt international. L’accusation portée contre lui a été modifiée vendredi. Au lieu d’être accusé de meurtre au second degré, il est désormais sous le coup d’une accusation de meurtre au premier degré. Il est également accusé de harcèlement criminel envers le premier ministre canadien Stephen Harper.

Il est également recherché pour usage de la poste pour livrer quelque chose d’obscène, indécent, immoral, injurieux et grossier. De plus, après visionnement de la preuve, il est accusé d’outrage au cadavre.

Le SPVM a indiqué que Jun Lin aurait été assassiné dans la nuit du 24 au 25 mai dans le petit appartement où M. Magnotta logeait, dans l’arrondissement Côte-des-Neiges, à Montréal. Son corps aurait ensuite été démembré. Le torse a été retrouvé dans une valise qui gisait parmi des ordures à l’arrière de l’immeuble résidentiel.

Jun Lin a été porté disparu par un proche le 29 mai dernier. Il aurait été vu pour la dernière fois cinq jours auparavant. Il s’agit du 11e homicide à survenir depuis le début de l’année à Montréal.

Un avis de personne disparue a été affiché sur le site Internet du consulat chinois de Montréal. Il y est indiqué que M. Lin était originaire de la province du Wuhan et qu’il est arrivé à Montréal en juillet 2011.

Il était étudiant en génie informatique à l’Université Concordia.

Dans un communiqué diffusé vendredi, le recteur de l’université Concordia, Frederick Lowy, a offert ses condoléances aux proches de Jun Lin, invitant ceux qui l’ont connu à Montréal à se tourner vers les services d’aide psychologique de l’université.

M. Magnotta s’est enfui de son appartement montréalais, et il serait arrivé par avion à Paris le week-end dernier, selon une source policière française. M. Lafrenière a refusé de confirmer le pays où se serait rendu le suspect, se contentant d’indiquer qu’il avait quitté le Canada en direction de l’Europe le 26 mai.

«Lorsqu’on donne un pays en particulier, les recherches se limitent à cet endroit-là et on sait très bien maintenant qu’on peut se déplacer en Europe sans même un passeport, il peut donc être n’importe où. Le suspect aurait même pu revenir au Canada sous une autre identité», a indiqué M. Lafrenière, ajoutant qu’Interpol aidait la police de Montréal dans ce mandat de recherche mondial.

L’agence Associated Press a ajouté que les autorités étaient certaines que le fugitif s’était rendu en France, pays qu’il a déjà visité dans le passé. La Brigade nationale de recherche des fugitifs (BNRF) de la police judiciaire a été saisie du dossier.

Le suspect faisait la une de plusieurs journaux européens vendredi matin, a mentionné M. Lafrenière, ajoutant avoir bon espoir que cette pression contribuerait à épingler l’homme rapidement.

M. Huang a appris que son employé était la victime du fugitif en consultant les actualités vendredi. Il n’est cependant pas prêt à accepter que M. Lin est bel et bien celui dont la mort défraie les manchettes partout dans le monde.

«Je suis sous le choc et je ne sais pas si c’est vrai. J’espère que non», a laissé tomber M. Huang, debout dans une rangée encombrée de son magasin, quand La Presse Canadienne l’a rencontré.

«Je ne veux pas le croire, mais il faut parfois accepter la vérité. Nous devons l’accepter, nous n’avons pas le choix. Que pouvons-nous faire?».

M. Huang a expliqué qu’il connaissait peu M. Lin, car il se contentait de le croiser pendant les changements de quarts au dépanneur. L’étudiant de Concordia a été embauché en août dernier et il travaillait seul au magasin à raison de dix heures par semaine.

«Tout ce que je sais sur lui, je le sais à cause de l’accident», a affirmé M. Huang, qui a remis les images des caméras de sécurité de son dépanneur à la police jeudi.

«Je ne savais rien sur sa vie personnelle avant cela.»

Le SPVM concentre actuellement tous ses efforts à mettre la main au collet du fugitif, a expliqué M. Lafrenière. Et si l’aide du public est toujours de mise, les informations concernant la vie du suspect ne seront pas traitées en priorité, a poursuivi le porte-parole, soulignant que les policiers accordent plutôt leur attention aux informations permettant de retrouver le suspect.

Les policiers tentent de départager le vrai du faux en ce qui a trait aux allégations et aux rumeurs circulant sur le Web, a-t-il aussi mentionné.

Après le meurtre de Jun Lin, Luka Rocco Magnotta, qui est âgé de 29 ans, aurait envoyé par la poste des morceaux du cadavre à des partis politiques fédéraux canadiens.

Le SPVM envisage que des parties encore manquantes du corps aient été aussi envoyées par la poste.

Richard Payette, un résidant de l’immeuble où logeait Luka Rocco Magnotta, a raconté avoir vu celui-ci pour la dernière fois vendredi dernier. M. Payette a ajouté que le suspect transportait une boîte au bureau de poste, précisant que la boîte était semblable à celles que l’on utilise pour emballer des patins de hockey.

Par ailleurs, le concierge de l’immeuble où habitait M. Lin, Alfredo Hedriana, a déclaré que celui qu’il connaissait sous le nom de Justin avait un colocataire qui a récemment quitté Montréal pour faire un voyage en Chine.

«C’était un bon locataire, un bon garçon», a lancé M. Hedriana vendredi, en référence à M. Lin.

«J’ai entendu qu’un corps avait été retrouvé, mais je n’ai pas porté attention à la nouvelle. Puis, ce matin (vendredi), quand j’ai appris qu’il s’agissait d’un de nos locataires, j’ai été complètement surpris.»

Il a ajouté que quatre amis de M. Lin —une femme et trois hommes — se sont rendus à l’appartement de celui-ci deux jours avant que le torse soit retrouvé. Ils y cherchaient leur ami.

Les images du meurtre ont été retransmises sur le Web. Le SPVM a finalement réussi à retirer la vidéo Internet grâce à la collaboration d’un hébergeur du New Jersey. Elles ont toutefois refait surface sur un site basé à Edmonton et la police tente présentement de convaincre le gestionnaire du site de les retirer.

Un compte Facebook de la victime identifie la victime comme étant Patrick Lin. La page ne diffuse que peu d’informations compte tenu de ses paramètres de confidentialité, offrant seulement deux photos personelles qui ont été mises en ligne en décembre 2010.

Luka Rocco Magnotta a été acteur dans des films pornographiques. Il a également laissé des traces de lui un peu partout sur Internet. Les différentes notes mises en ligne par le suspect témoignent par ailleurs de sa fascination de longue date pour les changements d’identité et les cavales.

Il a notamment été interrogé sur son expérience personnelle à titre d’escorte lors d’une entrevue accordée à Naked News en février 2007.

«J’ai d’abord été un danseur, et l’un des gars avec qui je travaillais à l’époque m’a dit: ‘Jimmy, tu n’aimes plus être un danseur’. Se retrouver sur une scène était quelque chose de difficile, pratiquer ce métier, et le fait que les gens que je connais viendraient au club et me verraient nu. Alors il m’a dit: ‘Pourquoi tu ne t’essaierais pas à quelque chose de plus discret, pour préserver ton anonymat?’.»

Jeudi, Interpol a publié un avis de recherche international pour retrouver Luka Rocco Magnotta; l’Ontarien mesure 1m78, est de race blanche, a les cheveux bruns et les yeux bleus. Il a fréquemment changé d’allure physique et il est également connu sous les noms d’Eric Clinton Newman et Vladimir Romanov.

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