Ce qu’il reste d’Expo 67
Les vestiges de l’Exposition universelle de Montréal sont plus nombreux qu’on ne pourrait le croire. Mais il faut savoir où chercher et s’attendre à les retrouver parfois dans un piteux état. Visite des îles Sainte-Hélène et Notre-Dame avec une maniaque d’Expo 67.
En attendant ma guide devant la station de métro Jean-Drapeau, sur l’île Sainte-Hélène, un homme à vélo me demande son chemin. «Je suis perdu, lance-t-il. Je ne suis pas venu ici depuis 1967!» La scène semble avoir été écrite à l’avance.
Quelques minutes plus tard, Julie Bélanger se pointe devant moi. La femme de 38 ans n’a pas besoin de demander son chemin. «Ici, c’est comme ma deuxième maison», souligne la résidante d’Hochelaga. Depuis 2007, pour faire revivre l’héritage de l’événement qui a mis Montréal sur la map, elle organise bénévolement des visites gratuites dont elle fait la promotion grâce à son groupe Facebook, simplement nommé Expo 67. La page rejoint aujourd’hui près de 3000 membres curieux et nostalgiques, qui y partagent leurs souvenirs et leurs photos de l’Exposition universelle.
«Je pourrais faire une visite par semaine, tellement l’engouement pour l’Expo est grandissant, explique celle qui travaille dans le milieu culturel. Peu de choses ont été faites pour le 40e anniversaire, en 2007. Je me suis dit que la seule façon de ne pas laisser mourir cet héritage était de le faire découvrir aux gens.»
En presque 50 ans – l’Expo célébrera son 50e en même temps que Montréal soufflera ses 375 bougies –, le site a bien changé. Aujourd’hui, la Biosphère (pavillon des États-Unis) et le Casino (pavillons de la France et du Québec) dominent le paysage des îles Notre-Dame et Sainte-Hélène qui ont accueilli l’Expo, si bien qu’il est difficile de comprendre qu’avec quelque 90 autres pavillons entre les deux, l’ordre de grandeur imposé par ces deux bâtiments était bien différent.
Un patrimoine fragile
Aujourd’hui, il ne reste qu’une douzaine de pavillons. Dont l’état laisse parfois à désirer. Non loin du métro, la structure de bois du pavillon de la Corée, barricadé, est en piteux état. La haute tour de bois, qui s’est élevée à côté, jusqu’en 2010, n’y est plus depuis qu’un camion l’a heurtée. «Plutôt que de la réparer, on la laisse mourir dans la cour de voirie du parc», se désole Mme Bélanger. Le pavillon de la Corée ne figure même pas sur les cartes du parc Jean-Drapeau, si bien qu’on ne donne pas cher de sa peau. La structure pourrait être démolie dans la plus grande indifférence.
Le pavillon de la Corée est en piteux état.
Photo: Vincent Fortier
De l’autre côté du pont du Cosmos, qui séparait jadis le pavillon américain du pavillon soviétique, le pavillon de la Tunisie, qui abrite aujourd’hui des bureaux de la Société du parc Jean-Drapeau, fait office de miraculé. «Si un pavillon a survécu, c’est un peu par chance, explique la guide. Les pavillons qui ont été détruits se trouvaient sur la route de nouveaux projets, comme le circuit de Formule 1 ou le bassin olympique.»
En entrant dans le pavillon tunisien par la porte de côté, on se retrouve devant un secret bien gardé: une mosaïque originale. Comme bien des vestiges d’Expo toutefois, celle-ci n’est accompagnée d’aucune fiche explicative.
À l’intérieur du pavillon de la Tunisie, une mosaïque originale a subsisté, comme le montre Julie Bélanger.
Photo: Vincent Fortier
Il faut comprendre que les bâtiments construits pour les expositions universelles ne sont pas faits pour durer dans le temps. On les démantèle en général à la suite des six mois de l’Expo – celle de Montréal a duré exceptionnellement 6 mois et 2 jours, afin d’accueillir le 50 millionième visiteur.
Des «trésors cachés»
En marchant vers le pavillon du Canada, Julie Bélanger me fait faire un détour. Alors que je crois marcher sur un simple belvédère du parc, je me trouve plutôt sur l’ancien pavillon des Nations unies, rien de moins! En descendant les quelques marches de béton qui s’y trouve, je remarque qu’on a seulement remblayé la devanture de l’ancien bâtiment, où logeait un restaurant.
Tout ce qu’il reste du pavillon des Nations unies est cet escalier et le toit de béton.
Photo: Vincent Fortier.
Plus loin, une sculpture qui paraît anodine a été sauvée de la cour de voirie, où elle mourait sur son flanc. Grâce au travail des internautes, on a pu identifié Iris, une œuvre-fontaine d’Expo, qui a été réhabilitée en 2012.
La sculpture Iris a été retrouvée par des citoyens et remise sur le site, en 2012.
Photo: Vincent Fortier
L’ancien pavillon du Canada – orphelin de sa pyramide inversée depuis des années – abrite encore La Toundra, une salle de réception qui nous replonge 50 ans en arrière, avec ses murales et ses luminaires rétros. À l’autre bout, les espaces sont abandonnés. On pourrait y aménager des espaces commerciaux locatifs. Derrière le pavillon, en se faufilant entre les arbres, on découvre les restes d’un amphithéâtre à ciel ouvert, le Bands Stand. Beaucoup plus petit que la Place des Nations, l’endroit servait à faire découvrir des artistes canadiens. Les sièges de bois résistent encore aux intempéries. «En explorant les îles, on fait encore des découvertes», s’étonne Julie Bélanger, sourire aux lèvres.
La pyramide inversée du pavillon du Canada a disparue, mais son bâtiment principal est toujours bien debout.
Photo: Vincent Fortier.
Pour Mme Bélanger, il n’est pas trop tard pour protéger le site de l’Expo, mais il est minuit moins une. La guide s’inquiète du fait que 2017 sera probablement le dernier anniversaire à célébrer pour de nombreux bâtiments de l’événement. En attendant que les projets se concrétisent, la jeune femme assure qu’il y aura une foule de choses non officielles qui seront faites. «La mentalité de l’Expo a bien vieilli. Il faut souligner à tout prix cet héritage.»
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Ici et ailleurs
Certains pavillons d’Expo 67 ont été sauvés… parce qu’ils ont été déménagés. Le pavillon soviétique a été démantelé, puis reconstruit à Moscou, au Centre panrusse des expositions, où il se trouve toujours.
- Les pavillons de la Tchécoslovaquie et de la Yougoslavie sont désormais à Terre-Neuve et servent de centre culturel et de musée des marins.
- La maison Châtelaine, qui représentait le modernisme en matière d’habitation, se trouve au centre de l’Ontario, à Owen Sound, alors que le pavillon des Jeunesses musicales est devenu le Centre d’arts Orford, dans les Cantons-de-l’Est.